Encore plus chaude que le record de 2023: il est maintenant certain que 2024 sera la première année au-delà de la barre de 1,5°C de réchauffement par rapport à la période préindustrielle, limite à long terme fixée par l'accord de Paris.
Après le deuxième mois de novembre le plus chaud dans le monde, "il est de fait certain que 2024 sera l'année la plus chaude enregistrée et dépassera de plus de 1,5°C le niveau préindustriel", annonce lundi le Service changement climatique (C3S) de l'observatoire européen Copernicus.
Et ces niveaux historiques pourraient perdurer ces prochains mois, avec des températures mondiales attendues "proches des records" début 2025, a déclaré à l'AFP Julien Nicolas, scientifique au C3S, d'autant qu'un retour du phénomène La Niña, synonyme de refroidissement, reste encore incertain cette année.
Novembre, marqué par une succession de typhons dévastateurs en Asie et la poursuite de sécheresses historiques en Afrique australe ou en Amazonie, a été 1,62°C plus chaud qu'un mois de novembre normal à l'époque où l'humanité ne brûlait pas du pétrole, du gaz ou du charbon à une échelle industrielle.
Soit davantage que la barre symbolique des +1,5°C, correspondant à la limite la plus ambitieuse de l'accord de Paris de 2015, qui visait à contenir le réchauffement bien en-dessous de 2°C et à poursuivre les efforts pour le limiter à 1,5°C.
Cet accord fait toutefois référence à des tendances de long terme: une telle moyenne de réchauffement devra être observée sur au moins 20 ans pour considérer la limite franchie.
En prenant ce critère, le climat est actuellement réchauffé d'environ 1,3°C. Le Giec estime que la barre d'1,5°C sera probablement atteinte entre 2030 et 2035. Et ce, quelle que soit l'évolution des émissions de gaz à effet de serre de l'humanité, proches du pic mais pas encore en déclin.
Selon les derniers calculs de l'ONU, le monde n'est pas du tout en bonne voie de réduction de sa pollution carbone pour éviter une très forte aggravation des sécheresses, des canicules ou des pluies torrentielles déjà observées, coûteuses en vies humaines et en impacts économiques.
Les politiques actuelles des nations emmènent le monde vers un réchauffement "catastrophique" de 3,1°C au cours du siècle, voire 2,6°C si les promesses de faire mieux sont tenues, selon l'ONU Environnement.
Les pays ont jusqu'à février pour soumettre aux Nations unies la révision de leurs objectifs climatiques d'ici 2035, appelées "contributions déterminées au niveau national" (NDC).
Mais l'accord a minima de la COP29 fin novembre risque d'être invoqué pour justifier de faibles ambitions. Les pays en développement ont obtenu 300 milliards de dollars de promesse d'aide annuelle des pays riches d'ici 2035, soit moins de la moitié de leur demande pour financer leur transition énergétique et leur adaptation aux dégâts climatiques.
Le sommet de Bakou s'est aussi conclu sans engagement explicite à accélérer la "transition" vers la sortie des énergies fossiles, approuvée à la COP28 de Dubaï.
En 2024, les catastrophes naturelles, alimentées par le réchauffement, ont causé des pertes économiques de 310 milliards de dollars dans le monde, a estimé jeudi Swiss Re, le groupe suisse qui fait office d'assureur pour les assureurs.
En 2023, le phénomène naturel El Niño s'était combiné au réchauffement climatique d'origine humaine pour pousser les températures mondiales à un niveau record. Comment expliquer alors le nouveau pic en 2024?
L'année qui suit El Niño "est fréquemment plus chaude que la première" et après un pic autour de décembre-janvier, "la chaleur se distribue au long de l'année", répond le climatologue Robert Vautard joint par l'AFP.
Mais en 2024, "il est vrai que le refroidissement est très lent", ajoute-t-il. "Pour le moment, on reste dans les marges relativement attendues" des projections, mais si "les températures ne redescendent pas plus franchement en 2025, il faudra se poser des questions", dit-il.
Une étude publiée dans Science jeudi soutient qu'en 2023, la Terre a moins renvoyé l'énergie solaire dans l'espace, en raison d'une réduction des nuages de basse altitude et, dans une moindre mesure, de la diminution de la banquise.
En Antarctique, celle-ci se maintient à des niveaux historiquement bas sans discontinuer depuis 2023, note Copernicus, avec un nouveau record de fonte pour un mois de novembre.