Plus de quatre ans après le déversement de fioul causé par l'échouement du MV Wakashio, une récente étude scientifique met en lumière la persistance de traces significatives de cette pollution dans les écosystèmes de mangroves du sud-est de l'île Maurice. Ces conclusions suscitent de vives inquiétudes quant aux impacts durables sur l'environnement local et les communautés avoisinantes.
L'échouement du MV Wakashio en juillet 2020 avait entraîné le déversement de près de 1 000 tonnes de Very Low Sulfur Fuel Oil (VLSFO) dans les eaux tropicales de Maurice. Une étude publiée dans le Marine Pollution Bulletin en novembre 2024 a analysé des échantillons prélevés en mars 2023 dans deux systèmes de mangroves. Grâce à des techniques avancées de chromatographie et de spectrométrie de masse, les chercheurs ont confirmé la présence de résidus de VLSFO dans les sédiments de l'un des sites. Bien que le fioul se soit en grande partie dégradé avec le temps, certains hydrocarbures persistants, appelés biomarqueurs terpénoïdes, demeurent étroitement associés à la contamination initiale. Ces composés, résistants à la biodégradation, constituent une menace potentielle pour les organismes marins et la santé des écosystèmes.
Des modèles prévisionnels révélateurs
Pour mieux comprendre le comportement du VLSFO dans l'environnement, l'équipe de chercheurs a utilisé le modèle WebGNOME-ADIOS de la NOAA, comparant ce fioul déversé à des carburants marins traditionnels. Les résultats révèlent que le VLSFO, plus léger et moins visqueux, s'évapore et se disperse plus rapidement, mais est également plus susceptible de s'infiltrer dans les sédiments. Ce comportement hybride complique les efforts de nettoyage et prolonge l'exposition des habitats sensibles.
Les mangroves figurent parmi les écosystèmes les plus vulnérables aux marées noires. L'étude souligne que l'huile piégée dans les sédiments peut perturber durablement la santé des arbres et des communautés associées. Les semis de mangroves, plus sensibles que les arbres matures, risquent de compromettre le renouvellement naturel de ces forêts côtières. Selon les scientifiques, la restauration des mangroves touchées pourrait nécessiter plusieurs décennies.
Un manque de surveillance prolongée menace la santé des écosystèmes touchés et des communautés locales
L'étude souligne que les données présentées proviennent d'initiatives bénévoles et révèle un besoin urgent de stratégies de suivi pour évaluer l'état des écosystèmes affectés. Les auteurs préconisent une évaluation écologique approfondie des zones touchées, assortie d'un suivi à long terme de la santé des mangroves et des communautés marines.
Ces efforts pourraient fournir des enseignements précieux pour la gestion future des déversements de carburants modernes comme le VLSFO dans les régions tropicales. En dressant un état des lieux scientifique aussi préoccupant que nécessaire, l'étude rappelle l'urgence d'intégrer des mécanismes de prévention et de réponse adaptés afin de protéger les écosystèmes fragiles face à des risques environnementaux croissants.
Contacté, Sébastien Sauvage, d'Eco Sud, confirme avoir pris connaissance du rapport et exprime ses vives inquiétudes concernant la santé des habitants de la région. «Ce rapport analyse la présence d'huile dans la région de Vieux-Grand-Port et révèle que, même en 2023, lorsque des échantillons de mangroves ont été prélevés, il s'agit toujours du fioul provenant du Wakashio. La Curtin University a confirmé qu'après trois ans, des traces de fioul persistent à Vieux-Grand-Port. Notre inquiétude est la suivante : l'ancien gouvernement avait imposé une interdiction sur la collecte de crustacés et d'huîtres dans cette région, mais cette restriction a été levée. Or, si aujourd'hui du fioul est encore présent et qu'aucune mesure de restriction n'a été réintroduite, cela pose un problème majeur. Les crustacés, récoltés et consommés par les habitants, risquent d'être contaminés. Sachant que Vieux-Grand-Port est une zone de pêche, quel est l'impact de cette pollution sur la santé de nos citoyens ?» Il ajoute : «Eco Sud a, à plusieurs reprises, alerté les autorités sur la présence de fioul à Vieux-Grand-Port et demandé une stratégie claire pour protéger les habitants, en particulier les enfants mauriciens. La question centrale reste de savoir quelles mesures seront prises pour préserver la population et garantir sa santé.»
Les analyses révèlent les résultats d'une étude réalisée par chromatographie en phase gazeuse (GC-MS) sur deux échantillons : (A) du fioul provenant du navire MV Wakashio et (B) un extrait organique de sédiments prélevé dans une mangrove à Maurice en mars 2023 (appelé M1). L'échantillon M1 présente des composés spécifiques, appelés hydrocarbures biomarqueurs résistants, qui se détachent nettement au-dessus d'un mélange complexe d'autres hydrocarbures, difficile à identifier.