Le ministre de l'Education, Noureddine Nouri, a annoncé lors de la séance plénière du 19 novembre un plan ambitieux: le recrutement de 31 psychologues en 2025 pour renforcer la prise en charge psychosociale des élèves et lutter contre l'échec scolaire. Cette décision, saluée comme un pas décisif,marque une reconnaissance tardive mais cruciale du rôle des psychologues dans les établissements scolaires.
Dans un contexte marqué par une montée des cas de violence, de décrochage et de troubles émotionnels chez les élèves, l'intégration de psychologues au sein des écoles pourrait apporter une réponse adaptée à ces défis. Si les enseignants et les assistantes sociales ont longtemps porté seuls cette responsabilité, ils expriment aujourd'hui un soulagement face à cette mesure. «En tant qu'enseignants, nous sommes souvent démunis face à des élèves qui vivent des situations personnelles difficiles.
Il n'est pas rare qu'un élève en difficulté affective ou familiale perturbe toute une classe. Les psychologues pourront apporter un soutien ciblé et complémentaire à notre travail», témoigne Sondos, enseignante dans une école à Tunis.
Elle est seule. Seule à jongler avec des centaines de dossiers, seule face à une réalité qui déborde. Amira Laadouz, psychologue rattachée à la délégation régionale de l'éducation de Sousse, incarne, malgré elle, le gouffre béant des moyens alloués à la santé mentale en milieu scolaire. Au mois d'octobre, Amira a reçu près de 700 dossiers.
«Essentiellement des élèves souffrant de troubles d'apprentissage»,explique-t-elle avec un calme qui masque à peine l'épuisement. Dans cette masse, 80% des cas sont jugés recevables, c'est-à-dire suffisamment sérieux pour nécessiter une intervention.
La tâche d 'Amira consiste alors à valider ou non chaque dossier. Une fois validé, elle instruit les établissements, qu'ils soient publics ou privés, pour mettre en place des aménagements : accorder plus de temps pour un examen, utiliser des supports écrits adaptés, ou encore ajuster les conditions de travail à des besoins spécifiques.
La psychologue «croule sous les dossiers», c'est un fait et les chiffres donnent le vertige : une psychologue pour toute une région. Les troubles d'apprentissage constituent l'essentiel des demandes. Pourtant, faute de temps et de bras, certaines priorités s'imposent d'elles-mêmes, comme une cruelle sélection naturelle. «Les cas jugés» pas trop graves «passent à la trappe», avoue Amira, presque résignée. «Je reçois en priorité les cas extrêmes, comme les tentatives de suicide». Les situations moins urgentes attendront, mais derrière chaque dossier en suspens, c'est un enfant, une famille, une attente désespérée d'un soutien qui tarde à venir.