Afrique Centrale: Kigali dément un 'repeuplement' dans l'est de la RDC

13 Décembre 2024

A quatre jours de la rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame prévue à Luanda, les relations se crispent entre la RDC et le Rwanda.

Le 11 décembre, devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès au Palais du peuple à Kinshasa, le président congolais n'a pas mâché ses mots.

"Au-delà des déplacements massifs de populations provoqués par la guerre, un phénomène alarmant s'observe : le dépeuplement progressif de certains territoires stratégiques, suivi de leur repeuplement par des populations étrangères implantées par le Rwanda. Cette dynamique soulève des enjeux majeurs en termes de souveraineté nationale, d'équilibre démographique et de cohésion sociale, nécessitant une réponse urgente et coordonnée", a soutenu Felix Tshisekedi qui a également déploré les agissements de l'armée rwandaise et du groupe rebelle M23, qui continuent d'occuper de larges pans de la province du Nord-Kivu.

Concernant cette hypothétique "stratégie de repeuplement", le président congolais n'a avancé aucune preuve et cette thèse, qui existe depuis des années, n'a jamais pu être vérifiée sur le terrain.

Le torchon brûle entre Kinshasa et Kigali

Olivier Nduhungirehe, ministre des Affaires étrangères du Rwanda explique à la DW que "le Rwanda est surpris par les déclarations du président de la RDC, évoquant des théories similaires à celles du 'grand remplacement' de l'extrême droite en Europe, ce qui est dangereux et alimente la xénophobie contre les Tutsi congolais de l'Est de la RDC. De telles affirmations sont irresponsables à la veille du sommet de Luanda, dont l'un des enjeux majeurs est l'engagement de la RDC à un dialogue direct avec ses compatriotes du M23 issus de cette communauté Tutsi congolaise marginalisée, alors que plus de 1,45 million de déplacés internes sont retournés dans le Nord-Kivu selon les rapports des Nations unies. Par ailleurs, il est illogique de prétendre que des citoyens rwandais quitteraient un pays en paix pour une zone de guerre, en proie aux violences quotidiennes et à la persécution ethnique commises par une centaine de milices locales, y compris les Wazalendo, et par les génocidaires FDLR, soutenus par Kinshasa"

Une théorie non encore vérifiée sur terrain

Cependant, les propos du président congolais ont trouvé écho dans l'opposition rwandaise.

Norman Ishimwe, président de Jambo ASBL, une organisation dédiée à la promotion des droits de l'Homme au Rwanda, estime, pour sa part, que cette stratégie de repeuplement est bien téléguidée par Kigali.

"Le régime de Paul Kagame a élaboré une stratégie à deux leviers. Le premier, c'est l'insécurité chronique qui rend ces territoires (dans l'est de la RDC, ndlr) ingouvernables par Kinshasa. Le second, c'est le repeuplement par des populations rwandophones favorables à Kigali", note M. Ishimwe.

Il explique à la DW que, "le premier levier s'appuie sur le soutien direct ou indirect à des groupes armés comme le M23 et ces groupes sèment l'insécurité, rendent les territoires administrativement ingouvernables par Kinshasa. Ce chaos crée un vide de pouvoir que le Rwanda exploite alors pour renforcer son influence. Parallèlement, le deuxième levier est le déplacement forcé des populations locales, suivi d'un repeuplement par des communautés rwandophones, souvent des communautés tutsi ou banyamulenge. "

Faustin Ntakirutimana, membre du parti RDI-Rwanda Rwiza, du défunt Faustin Twagiramungu, insiste sur les enjeux de souveraineté que cette prétendue stratégie de repeuplement soulève dans la région des Grands lacs.

Il estime que "la technique de dépeuplement et repeuplement utilisée par le Rwanda s'inscrit dans un logique de domination territoriale et d'ingérence militaire, justifiée par le prétexte de la protection des populations rwandophones (en RDC). Ce phénomène pose la question de la complicité internationale et de la responsabilité des actes régionaux et globaux."

Malgré tout, aucune organisation internationale en charge des migrations ou de l'aide humanitaire, comme le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'Onu, le Haut-Commissariat pour les réfugiés, ou l'Organisation internationale des migrations, n'ont jamais documenté l'installation possible de populations rwandophones dans l'est de la RDC.

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