Enseignant, ancien recteur du collège Saint-Joseph, ancien président du «board» de la Private Secondary School Authority. C'est une vie dans le secteur éducatif que livre Serge Ng Tat Chung dans son autobiographie, «Le temps d'un regard».
L'élève du collège Saint-Joseph qui en deviendra le recteur. Celui qui avait été admis - avec son frère cadet - «malgré l'insuffisance de nos moyens financiers et les échéances difficiles à respecter». Mais qui s'acquittera de sa dette - financièrement et professionnellement - au centuple. Le nom de Serge Ng Tat Chung reste attaché au secteur éducatif et au collège SaintJoseph. C'est tout cela et bien plus encore qu'il raconte dans son autobiographie, Le temps d'un regard. L'ouvrage a été lancé le mercredi 11 décembre à la mairie de Curepipe. Sans détour, Serge Ng Tat Chung confie qu'à son entrée au collège, «je me sentais semblable, pour ainsi dire à un tout Petit Chose (...) Je me sentais un marginal, en voyant l'incessant défilé des voitures de marque, avec chauffeur en livrée, venant déposer des élèves».
En conteur expérimenté, maîtrisant l'art de distiller les images frappantes, l'autobiographe ajoute : «Beaucoup d'élèves étaient en uniformes soignés, proprets, d'un impeccable repassage. Le mien, à côté, avait l'air moche, de seconde main, propre mais ravaudé - maman avait fait du mieux qu'elle pût - de couleur terne». Malgré les décennies qui sont passées, l'ancien élève n'a pas oublié non plus, les «joutes acharnées de lancement de pains dans le hall du collège (...) Pains à garnitures alléchantes». Contraste saisissant avec sa réalité d'aîné de neuf enfants, fils de cordonnier empêtré dans les «affres de la misère, au régime de pain sec».
Adjoint du recteur Daniel Koenig (à g.) à partir de 1986.
Le conteur nous touche au coeur pour mieux guider vers la grandeur d'âme. La naissance de sa «volonté de rester droit dans mes bottes, de tenter de m'élever à la hauteur du choc du moment». On sent les prémices de tout ce qu'il a accompli par la suite. Comme son passage à l'express, la «sentinelle citoyenne». La seule maison qui lui offre de l'emploi après son retour d'études en France. Les images de ses interactions avec le Dr Philippe Forget valent leur pesant d'or.
Comme la fois où Serge Ng Tat Chung avait pour mission d'écrire sur un insecte «mutant», appelé le rhinocéros. «Dans mon texte, j'en étais à la présentation en écrivant «rhinocéros, insecte à pilosité particulière...» Le Dr Forget, parvenu à hauteur de lecture, marqua un temps d'arrêt sur l'expression, s'y attarda, regarda son bras, puis le mien, me regarda à nouveau et se retira d'un air complice et amusé. Sans commentaires.»
L'équipe de foot du St Joseph en 1968. Serge Ng Tat Chung accroupi, troisième à partir de la gauche.
Mais, reconnaît l'autobiographe, le métier de journaliste n'est pas fait pour lui. Il repart vers son alma mater pour y devenir professeur de français. Serge Ng Tat Chung vivra le départ des Frères des écoles chrétiennes. Avant de devenir adjoint du recteur Daniel Koenig de 1986 à 1992. Puis d'occuper les fonctions de recteur de 1992 à 2012. Une période où il vit de l'intérieur, «bon nombre d'obstacles (...) d'entraves étatiques à la liberté de gestion du secteur selon leurs projets éducatifs propres et à la liberté des familles quant au choix scolaire pour leurs enfants».
L'auteur rappelle à notre bon souvenir, les «nombreuses décisions unilatérales et arbitraires (qui) furent combattues avec ardeur, telles que le Government Notice 114 (GN 114) et le Central Employer, projet national de contrôle de gestion des établissements scolaires privés subventionnés». À sa retraite du collège St Joseph, Serge Ng Tat Chung est nommé président du board de la Private Secondary School Authority. Plus qu'une vie, c'est toute une époque que Serge Ng Tat Chung passe à la loupe.
Les richesses du métissage
Dans son autobiographie, Serge Ng Tat Chung consacre de belles pages à l'un des trésors du mauricianisme : le métissage. Il puise dans ses racines pour étaler devant le lecteur, comme une accumulation de trésors, la diversité de ses origines familiales. Touchant ainsi une corde sensible chez le Mauricien qui se reconnaît dans ce vécu.
L'auteur nous présente sa grand-mère, Germaine Diagane, de descendance indienne, de culture tamoule. Son grand-père Michel Lindor, mobilisé comme pionnier lors de la Seconde Guerre Mondiale, qui en revint «vivant et triomphant». Lui qui, «représentait une main-d'œuvre polyvalente à lui seul».
*«Du côté de ma mère, l'appartenance créole avait ses marqueurs (...) tels que peaux noires, cheveux drus et frisés». Enter son père, André, originaire de Meixian en Chine, converti plus tard au catholicisme. Il était venu tenter sa chance à Maurice dans l'entre-deux guerres. D'abord cuisinier, puis cordonnier à la rue Royale. Un «bel homme (...) qui faisait de la culture physique avec des poids sommairement fabriqués et des ressorts en accordéons». Au point d'être surnommé «misie Ties», l'équivalent de «monsieur Chest».
On retrouve dans ces pages l'ambiance de la boutique de monsieur et madame Ah Youne, «attenante à notre maison à la rue Malartic, à Curepipe». Tout comme la désolation après le passage du cyclone Alix, puis Carol. «Notre choc fut grand (...) Seuls quelques meubles éventrés, les sommiers des lits en fer mêlés à des amas de bois et de tôle tordues étaient tout ce qui restait de ce lieu qui avait abrité notre vie de famille, nos jeux et nos rêves d'enfant». Cataclysme auquel succèdera des élans de solidarité nationale.