Ce 16 décembre, c'est la journée de la Réconciliation en Afrique du Sud. Alors que le pays fête ses 30 ans de démocratie, les inégalités sont encore particulièrement élevées. L'accès aux terres est encore difficile pour les populations noires. La semaine précédente, la fondation Nelson Mandela a d'ailleurs engagé une procédure judiciaire contre le gouvernement pour son inaction en termes d'accès équitable à la propriété. Pour la petite-fille du premier président Nelson Mandela, le processus de réconciliation est loin d'être achevé. Rencontre.
Ndileka Mandela donne rendez-vous dans un restaurant au nord de Johannesburg. Pour elle, ce 16 décembre, c'est un jour qui célèbre le pardon accordé par Nelson Mandela : « Mon grand-père a choisi de pardonner ceux qui l'ont emprisonné, qui l'ont empêché de voir grandir son fils, mon père. Il a choisi la réconciliation. »
En 1995, moins d'un an après son élection, la Commission vérité et réconciliation a été créée. L'objectif est de permettre aux victimes de témoigner de la violence de l'apartheid. « Même avec le travail de cette commission, toute la vérité n'a pas été dite, souligne Ndileka Mandela. Aujourd'hui, nous sommes très loin de la réconciliation. Et quand on exprime une certaine colère, on nous parle de la nation arc-en-ciel. Comme si, finalement, nous n'avions plus le droit d'être en colère ».
Comme pour reprendre le flambeau de son grand-père, Ndileka Mandela a créé une fondation qui milite pour l'émancipation de la jeunesse, ces « born free », c'est-à-dire ceux « nés libres », en démocratie. « Beaucoup d'entre eux n'ont pas de travail, déplore-t-elle. Et, à cause de cette frustration, ils se dirigent vers la drogue, la délinquance. Notre rôle, aujourd'hui, c'est d'accepter que l'on parte de très loin et agir maintenant ! Pour que les jeunes, dans 30 ans, ne se disent pas, nous avons finalement régressé ».
En ce 16 décembre, les Sud-Africains sont invités à s'engager, sur le terrain, dans leurs communautés, pour continuer ce travail de réconciliation, au quotidien.
Afrique du Sud: «De la même manière que le racisme a été institutionnalisé, il faut des moyens officiels de le briser» En Afrique du Sud, la Commission vérité et réconciliation aura duré 2 ans, entre 1996 et 1998. Deux ans durant lesquels plus de 20 000 victimes, mais aussi des milliers de tortionnaires, ont été entendus, notamment par l'archevêque Desmond Tutu. Aujourd'hui, l'Institut pour la justice et la réconciliation (IJR) tente de prolonger ce processus, en dialoguant avec les différentes communautés à travers tout le pays.
Felicity Harrison, une de ses responsables, explique que la démocratie sud-africaine est très jeune et qu'il faudra encore une à deux générations pour vraiment espérer voir une réconciliation aboutie : « C'est encore très incomplet aujourd'hui parce que la Commission vérité et réconciliation n'a pas été créée pour être le début, et la fin de la réconciliation. C'était simplement la première étape d'un long chemin. Quand l'apartheid a pris fin en 1994, le racisme et les inégalités n'ont pas disparu. Cela prendra beaucoup de temps. »
Elle poursuit : « Et ça passera par des actions claires : de la même manière que le racisme a été institutionnalisé par la législation de l'apartheid, il faut trouver des moyens officiels de le briser. Nous ne pouvons pas juste attendre que tout cela disparaisse comme par magie. Les questions relatives à la terre par exemple n'ont pas été assez abordées : cette dépossession massive des terres des populations noires pendant le colonialisme et l'apartheid. Nous n'avons toujours pas progressé en termes de redistribution ou de compensation. Ce qui pourrait permettre de réparer les blessures du passé. »