TUNIS/Tunisie — Réfrigérateurs, climatiseurs, pompes à chaleur et autres équipements nécessaires à la fabrication et au stockage des médicaments, fonctionnent aux gaz fluorés. Ces substances ont un impact fort sur le réchauffement climatique et sont responsables de l'appauvrissement de la couche d'ozone, qui protège les êtres vivants des rayons ultraviolets (UV) cancérigènes.
Des démarches sont en cours, aux échelles nationale, régionale et internationale, pour réduire l'usage des gaz fluorés et les substituer par des solutions plus respectueuses du climat. Or, cette mue nécessite un accompagnement de l'industrie du froid à travers des formations et des campagnes de sensibilisation.
Selon le le Coordinateur de l'unité nationale d'ozone à l'Agence Nationale de Protection de l'Environnement (ANPE), Youssef Hammami, la Tunisie a réussi à éliminer, totalement, les substances nocives à la couche d'ozone, suivantes : les chlorofluorocarbures (CFC), le Bromure de méthyle utilisé dans le secteur de fumigation des dattes et les Halons (secteur de lutte contre les incendies).
Mis en oeuvre par l'ONUDI et le PNUE, en étroite collaboration avec l'Unité nationale de l'ozone de l'Anpe en Tunisie, le protocole de Montréal, cadre international crucial pour la protection de la couche d'ozone, a permis une réduction significative de 55% de l'utilisation des hydrochlorofluorocarbures (Hcfc) en Tunisie, avec des émissions passant de 723 t en 2022 à 325 t, actuellement. L'ambition du pays est de réduire de 80% les Hcfc, le 1er janvier 2045.
Zouhaier Landoulsi, ingénieur et expert en équipements de réfrigération, de climatisation et de pompes à chaleur (RACHP), a souligné l'urgence de former les techniciens sur les bonnes pratiques de manipulation sécurisée des fluides frigorigènes naturels et inflammables. Il a recommandé la mise en place d'un cadre règlementaire adéquat pour bien se préparer à la mise en vigueur de la règlementation européenne concernant les gaz utilisés dans la frigorification et la climatisation et à l'application de la taxe carbone aux frontières.
L'UE, premier marché d'importation et d'exportation pour la Tunisie, a amélioré le contrôle et la mise en oeuvre du règlement sur les gaz fluorés, et en particulier du système de quotas de HFC. Le nouveau système adopté alloue aux entreprises qui opèrent sur le marché européen, une quantité spécifique de HFC pouvant être mis sur le marché chaque année et calculée en tonne équivalent CO2. Cette démarche qui s'inscrit dans le cadre du mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières dit "MACF", devrait être appliquée effectivement à partir de 2026.
Déjà, le coût des fluides de recharge a été majoré, en 2025, en fonction des taxes de ces fluides (augmentées, progressivement, chaque année), calculées sur la base de leurs équivalents en CO2. La taxe carbone à la frontière fixée à 15 € / teq CO2 en 2025, devrait atteindre 30 € / teq CO2, en 2045.
La Tunisie comme tous pays importateurs d'équipements de réfrigération, de climatisation, de pompe à chaleur et autres appareils fonctionnant aux gaz, devrait prendre en considération la réduction des quotas de hydrofluorocarbures (HFC). Le système de quotas HFC s'applique à la fois aux HFC préchargés dans ces équipements et en vrac, ayant un impact climatique significatif.
Madi Sakandé, président de l'Union des associations africaines des acteurs de la réfrigération et de la climatisation (U-3ARC) a souligné, dans une rencontre récente avec des médias tunisiens, que "la Tunisie, qui a réduit de 55% l'usage des substances Hydrochlorofluorocarbones nuisibles à la couche d'ozone et utilisées dans plusieurs secteurs, tels que celui de la réfrigération et de la climatisation, est une exception en Afrique".
"Dans un continent chaud, on doit investir dans le froid et le prendre en consideration dans tous les secteurs. Il faut créer des agences autonomes du froid au niveau national, pour aider les acteurs de la filière (frigorifistes, acteurs de la climatisation...) à s'organiser et à sécuriser l'usage des équipements de réfrigération domestique, commerciale, industrielle, et de transport et aussi à sécuriser et développer l'usage de la climatisation et pompes à chaleur stationnaires et de la climatisation mobile", a-t-il recommandé.
Dans la région du Proche-Orient/Afrique du Nord, le manque d'infrastructures pour la chaîne du froid contribue à des pertes alimentaires considérables, estimées à 55 % pour les fruits et légumes, 22 % pour les viandes, 30 % pour les poissons et fruits de mer, et 20% pour les produits laitiers, selon la FAO. "Cela équivaut à 215 kg de nourriture gaspillée par habitant, chaque année", ce qui aggrave l'insécurité alimentaire et entraîne des pertes économiques et environnementales significatives.
Une industrie de froid développée et organisée pourrait aider à lutter contre le gaspillage alimentaire, contribuer aux efforts de réduction des gaz à effet de serre, donner une valeur ajoutée à la production et créer des emplois, estime le responsable.