Le chorégraphe, Jean Renat Anamah, vient de rentrer de la 11e édition d'Afrik Urbanarts en Côte d'Ivoire. Ce festival a eu lieu du 29 novembre au 1er décembre. Fondé par la danseuse et chorégraphe, Jenny Mézile, le festival a pour objectif le développement et la délocalisation de la danse contemporaine dans l'espace public.
Jean Renat Anamah y a présenté la pièce Embroidered Memories en duo avec la chorégraphe malgache, Julie Iarisoa, récipiendaire de nombreuses récompenses internationales. L'écriture de cette pièce a commencé en 2022. Elle avait déjà été présentée en solo par Jean Renat Anamah en Allemagne. La danse de Jean Renat Anamah se nourrit de la culture mauricienne et porte plusieurs questionnements identitaires. «Qui sommes-nous ? Comment vivons-nous le post-colonialisme ? Qu'en est-il de nos héritages culturels ?» Sa danse dénonce ce qui va mal dans notre société. «J'ai quitté Maurice où nous sommes esseulés, où c'est vraiment un désert, où nous sommes livrés à nous-mêmes. En Côte d'Ivoire, les gens étaient rivés à notre performance», fait ressortir l'artiste. C'est dommage souligne-t-il, que c'est que hors du pays que les artistes, surtout les danseurs, récoltent cette reconnaissance tant attendue pour leur travail. «On a l'impression d'être mis à l'écart. Plusieurs danseurs ont représenté Maurice à l'étranger mais ce travail n'est pas connu à Maurice. C'est triste et terrible.»
Lors du festival Afrik Urbanarts, le chorégraphe a donné deux prestations. La première, en duo avec Julie Iarisoa, au Palais de la culture le vendredi 29 et le dimanche 1er en solo au village Kanga Nianzé. Jean Renat Anamah a également animé un atelier de danse contemporaine. «C'était une belle expérience de rencontrer tous ces professionnels de la danse et de parcourir la Côte d'Ivoire. Tout cela va sûrement nourrir davantage ma danse», explique-t-il.
Cette pièce sera-t-elle présentée à Maurice ? «J'en ai très envie mais les plateformes sont inexistantes, le public est inexistant. Tout part en vrille. Il y a un rejet de ce qui est profond et de ce qui est vrai. Quand on est sur île, on est un peu dans le déni. On évite de parler. Il faut faire attention pour ne pas heurter, alors qu'on a besoin de parler. Nous, les artistes, nous prenons la parole pour dire les choses comme il faut sans pour autant blesser et porter des jugements.»
Cette méconnaissance de la danse contemporaine, est-ce parce que cette discipline semble hermétique et trop codifiée pour le plus grand nombre ? «Je me demande si ce n'est pas eux qui sont devenus hermétiques, et ne sont plus disponibles d'esprit et d'âme. Le problème n'est pas chez l'artiste ou le penseur mais chez celui qui n'a pas de vision.» Il plaide en faveur d'une «vraie éducation. Non pas apprendre comme des perroquets à l'école, sans encourager la réflexion. J'attends toujours le rendez-vous avec le public. Est-ce qu'il viendra un jour ? Je ne sais pas», conclut Jean Renat Anamah.