Face au constat accablant dressé par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, et son équipe de conseillers économiques dans The State of the Economy sur la gestion économique du gouvernement sortant lors de ces cinq dernières années, l'heure est à la reconstruction avec un appel aux sacrifices et à l'effort de la population, couplé à l'aide de pays amis et d'institutions de financement internationales.
Entre les promesses électorales et les réalités économiques, le Premier ministre a choisi, samedi, lors de la première conférence de presse du nouveau gouvernement, de jouer la carte de la responsabilité. Cela, pour bien faire comprendre que face à l'héritage économique légué par le tandem Jugnauth-Padayachy, il ne pourrait malheureusement pas honorer tous ses engagements. «Il y aura des choses que nous ne pourrons pas faire tout de suite. Mais pour d'autres, nous les réaliserons durant notre mandat de cinq ans.»
Car, entre-temps, Navin Ramgoolam découvre que l'ampleur des dégâts économiques est beaucoup plus profonde que ce qui a été publié dans ce rapport. Une manière de dire que c'est le tip of the iceberg et que qu'autres squelettes sont en train d'être découverts dans le placard. Cela, alors que Renganaden Padayachy et Pravind Jugnauth avaient fait croire à la population qu'il y avait un boom économique dans le pays, a affirmé le Premier ministre. Qui y voit au contraire un boom de ballons de mensonges qui éclate aux yeux de la population avec la manipulation des statistiques.
Limiter la casse
Tout en disant que l'ancien régime avait commis ce qu'il a qualifié de «crime économique» envers le pays, Navin Ramgoolam a insisté sur le fait que tout devait être fait aujourd'hui pour que le pays ne subisse bas un downgrading de sa notation, qui le basculerait dans un «junk status» avec des conséquences désastreuses pour l'image du pays : impossibilité de rembourser sa dette, des prêts négociés à des taux très élevés et les investisseurs étrangers qui tourneraient le dos à Maurice.
Or, sur la base de l'audit, tel qu'il est présenté dans le rapport, le pays se retrouverait, au terme de la prochaine année fiscale 2024- 25, avec une dette se frôlant 89 % du produit intérieur brut (PIB) et d'un déficit budgétaire de 9,7 % du PIB. Maintenant que l'état des lieux de l'économie est établi, la question est : que faire pour limiter la casse et éviter qu'elle s'enlise dans un point de non-retour ?
Le Premier ministre adjoint, Paul Bérenger, y voit dans l'immédiat deux priorités : réduire la dette du gouvernement et engager un programme de consolidation fiscale. Parallèlement, face à la tâche herculéenne de redresser l'économie, le gouvernement s'engage à solliciter l'aide des pays amis, dont l'Inde, les États-Unis et le Royaume-Uni. Mais aussi, a-t-il dit, frapper à la porte du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.
Encore faut-il savoir quelle forme prendra l'aide de ces deux institutions ? D'autant plus que la simple évocation de ces deux institutions internationales, comme d'éventuels bailleurs de fonds pour Maurice, est souvent synonyme pour la population de mesures d'austérité, d'une politique de ser sintir allant jusqu'à l'enlèvement des subventions sur certains produits de consommation et services.
Sans doute pour éviter la répétition d'une telle situation catastrophique, le Premier ministre comme son no 2 étudient sérieusement l'introduction d'une Fiscal Responsibility Act, qui figure d'ailleurs dans le manifeste électoral de l'Alliance du changement. Paul Bérenger a soutenu qu'il s'était intéressé au modèle jamaïcain, mais aussi à d'autres projets semblables, susceptibles de responsabiliser l'État dans la gestion des finances publiques, et de se restreindre à occasionner des dettes dans des projets de prestige.
Une loi qui peut être comparée au Pacte de stabilité financière de l'Union européenne, avec un ensemble de critères que les États membres sont appelés à respecter pour assainir leurs finances publiques et coordonner leur politique budgétaire, tout en contrôlant les déficits excessifs et en réduisant les dettes publiques trop élevées. On parle souvent ici de l'obligation pour les États membres de maintenir leur déficit en dessous de 3 % du PIB et leur dette publique à un niveau inférieur ou égal à 60 % de leur PIB.