Le 17 août 1960, à l'issue d'une mission en métropole et revenant vers Agadir, un Avro Lancaster, avion de patrouille maritime quadrimoteur, de l'escadrille 55.S, n° WU26 55.S,-4, transportant douze passagers en plus de son équipage habituel, signale par radio au camp Cazès à Casablanca, un incendie au moteur n°3 et une tentative d'atterrissage forcé.
Le Lancaster venait alors de survoler Had ouled Frej (45 km au sud d'El Jadida), quand le commandant de bord annonce une tentative d'atterrissage forcé, mais c'était trop tard. Le longeron principal de la voilure est rongé par le feu et l'aile droite se replie. Désemparé le Lancaster s'écrase au sol près du village de Khémis Mtouh, dans la province d'El Jadida. Tous les occupants, au nombre de 18, sont tués sur le coup.
Une triple cause donc : un incendie moteur en vol et la détérioration du longeron principal qui a conduit à une rupture complète de l'aile droite. Sachant, qu'en cette année 1960, le Lancaster était déjà devenu un appareil en voie d'extinction, désormais peu utilisé dans le monde, sauf en cette version « maritime » livrée à la France.
Pour mémoire, le moteur n° 3, dans le jargon des aviateurs, est le moteur « intérieur droit » sur un quadrimoteur. Par principe, les techniciens et les pilotes numérotent les moteurs de 1 à 4 en partant de la gauche de l'aéronef.
Le fascicule historique publié par la 55.S dit qu'il s'agissait d'un retour de vol de navigation au profit d'élèves, mais il ramenait aussi douze passagers au Maroc dans une fonction d'avion de transport. L'appareil venait du Bourget près de Paris.
Survenant six mois après la catastrophe du séisme du 29 février 1960, ce tragique accident allait être très durement ressenti par les marins de la base aéronavale d'Agadir.
L'équipage était composé du maître principal mécanicien de bord Brélivet, du second maître de 2e classe radio volant Durand, de l'enseigne de vaisseau de 2e classe de réserve pilote Jégou, des officiers des équipages de 3e classe pilotes Jourdan et Le Hiress, chef de bord, du maître mécanicien volant Martin et du premier maître radio volant Mousset.
Les causes réelles de cet accident posent question, car il n'était pas prévisible. C'est le seul accident ayant pour cause un incendie de moteur à avoir été relevé tout au long de la carrière des Lancaster (WU pour « Western Union ») dans l'aéronautique navale. Les quatre moteurs Rolls-Royce Merlin du Lancaster étaient réputés fiables. Le mystère donc demeure.
Les passagers décédés dans cet accident étaient le quartier-maître de 2e classe armurier Claude Barbé, le premier maître pilote Maurice Cantat, les seconds maîtres de 2e classe mécanicien d'aéro Jacques Herbette, Gilbert Le Rouzic, et Jean Marc, l'agent de la poste aux armées Armand Pezé, le quartier-maître électricien Christian Phipps, le second maître de 2e classe mécanicien d'aéronefs Joseph Provost, le premier maître mécanicien d'aéro Lucien Romani, l'ingénieur mécanicien de 1re classe volant Jacques Rouls, le sergent major Louis Soulier, de l'armée de Terre et le matelot maître d'hôtel Pierre Vicariot.
Le Lancaster était bien un bombardier à l'origine, durant la Seconde Guerre mondiale, les exemplaires livrés à la France au début des années cinquante avaient été transformés en avions de patrouille maritime. Cette livraison avait été faite à la France dans le cadre de l'Union Occidentale (alliance de la France, du Royaume-Uni et des pays du Benelux, qui a précédé de peu, vers 1947, la future OTAN). D'où la renumérotation en « WU » pour Western Union, WU 26 étant le 26ème Lancaster livré dans ce programme, sur un total de 53.
L'accident de ce Lancaster figure dans l'ouvrage Mémorial de l'Aéronautique navale (1910-1920) qui recueille tous des accidents mortels et énumère les morts en service aérien commandé (MSAC) dans l'aéronautique navale. Le livre a été édité par l'ARDHAN (Association pour la recherche de documentation sur l'histoire de l'aéronautique navale).
Par décision du 27 avril 1961, l'officier des équipages Joseph Le Hiress, commandant d'aéronef et pilote de l'avion Lancaster a reçu la citation suivante à l'ordre de la Marine nationale : « Engagé à 18 ans dans l'aéronautique navale, passionné de vol, a servi avec toute sa foi et toute son ardeur en France, en Afrique du Nord et en Indochine... Le 18 août 1960, un incendie s'étant déclaré à son bord, en vol de nuit au-dessus du Maroc, a manœuvré son Lancaster jusqu'au bout, avec le plus grand des calmes, pour tenter de sauver son équipage et ses passagers. A trouvé la mort dans l'explosion de son appareil. Totalisait 4050 heures de vol dont 260 de nuit».
D'autres appareils de ce type ont subi un accident au Maroc : à Kénitra (Port Lyautey) en janvier 1952, à Agadir, un accident survenu le 21 janvier 1953, et un autre incident à l'atterrissage le 29 juin 1960. Dans tous ces cas, les appareils ont été retirés du service.
S'agissant du compte rendu officiel de l'accident, il y a en principe des dispositions légales qui stipulent que les détails d'un accident, les informations médicales sur les blessés et les pertes humaines ne soient pas communiqués au grand public, le but étant le plus souvent de respecter les familles des victimes. Mais l'extrait du « Mémorial de l'Aéronautique navale » dû à Lucien Morareau qui, lui, a consulté ces archives avec une autorisation spéciale devrait suffire. Son travail rend compte de la tragédie sous une forme journalistique qui n'enfreint pas les restrictions de publication.
Enfin, si des photos ont été prises sur place (ce qui est toujours le cas pour une commission d'enquête), elles sont en principe exclues de toute communication au grand public, notamment pour les raisons morales déjà évoquées.
Remerciements à l'ARDHAN à Paris, « Association pour la recherche de documentation sur l'histoire de l'aéronautique navale » dont les membres Robert Feuilloy, Lucien Morareau et Jean-Pierre Dubois ont pu apporter des précisions à cet article.