Un nouveau plan de l'ONU pour la Libye vise à sortir de l'impasse politique, à remettre le pays sur la voie de l'élection présidentielle tant attendue et à renouveler la légitimité de ses institutions, a expliqué lundi une haute responsable onusienne au Conseil de sécurité.
Stephanie Koury, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général pour la Libye et cheffe par intérim de la Mission d'appui des Nations Unies dans le pays (MANUL), a informé les membres du Conseil de l'initiative un jour après l'avoir présentée à la population.
Le processus facilité par l'ONU implique la création d'un comité consultatif pour examiner les questions en suspens dans les lois électorales et faire des propositions viables pour une feuille de route globale pour la tenue du scrutin.
Le comité sera composé d'« experts et de personnalités respectées, qui reflètent l'éventail des forces politiques, des composantes sociales, culturelles et géographiques libyennes », a-t-elle déclaré, s'exprimant par visioconférence.
Faciliter le dialogue, favoriser l'inclusion
La MANUL a également l'intention de travailler avec ses partenaires libyens pour organiser un dialogue structuré afin de consolider le consensus autour d'une vision nationale unifiée pour l'avenir du pays.
« Assurer la participation pleine, égale et significative de tous les segments de la société - en particulier des jeunes et des femmes - reste la priorité de la MANUL pour favoriser l'inclusion, renforcer l'unité nationale et renforcer la légitimité du processus politique », a dit Mme Koury. « J'espère que ce processus pourra créer un héritage important et soutenir la conclusion du processus d'élaboration de la Constitution à l'avenir ».
Une décennie de division
La Libye est en proie à des troubles politiques depuis le renversement de l'ancien dirigeant, Mouammar Kadhafi, en 2011.
Le pays est divisé entre deux administrations rivales depuis 2014, avec le Gouvernement d'unité nationale (GNU) reconnu internationalement, basé dans le nord-ouest, et le Gouvernement de stabilité nationale (GNS), situé dans l'est.
Des élections historiques devaient avoir lieu en décembre 2021, mais elles ont été annulées en raison de plusieurs facteurs, notamment des différends sur l'éligibilité des candidats.
Les Libyens veulent des élections nationales
Mme Koury a commencé son discours en félicitant le peuple libyen pour la tenue réussie de la première phase des élections locales le 16 novembre.
« La tenue de ces élections rappelle que le peuple libyen aspire à exercer son droit de choisir ceux qui le gouvernent », a-t-elle déclaré.
La haute responsable a pris ses fonctions il y a huit mois. Depuis lors, elle a « rencontré des Libyens de tous horizons et ils m'ont fait part à plusieurs reprises de leur sentiment d'urgence et de la nécessité d'organiser des élections nationales ».
Elle a déclaré au Conseil de sécurité que les Libyens étaient inquiets pour l'avenir de leur pays.
« Le statu quo n'est pas tenable et persiste depuis trop longtemps », a-t-elle dit, notant que « les actions unilatérales menées par les élites politiques ont profondément érodé les institutions libyennes en structures parallèles et concurrentes ».
Défis à relever
Mme Koury a déclaré être consciente des défis croissants qui doivent être surmontés.
Elle a décrit la récente réintégration du Conseil d'administration de la Banque centrale comme « une étape importante », après la résolution d'une impasse concernant la direction et sa suspension pendant plus d'une décennie.
« Pour mettre en oeuvre efficacement la politique monétaire et contribuer à la stabilisation économique, la direction et le Conseil de la Banque centrale doivent être libres d'agir de manière indépendante, transparente et intègre, sans conflits d'intérêts, de concert avec d'autres institutions de surveillance », a-t-elle affirmé.
Détentions arbitraires et instabilité régionale
Pendant ce temps, les arrestations et détentions arbitraires persistent, et elle a exhorté les autorités à accorder à la MANUL un accès sans entrave à tous les centres de détention.
« Je suis très préoccupée par les décès en détention », a-t-elle ajouté. « Depuis mon dernier exposé au Conseil, quatre Libyens, dont deux femmes, sont morts en détention. Des enquêtes transparentes sur ces décès sont nécessaires et les responsables doivent rendre des comptes ».
En outre, l'instabilité régionale a également de graves répercussions sur la Libye. Elle a déclaré que depuis le début du conflit au Soudan voisin en avril 2023, « un nombre exponentiellement croissant de réfugiés soudanais » ont traversé la frontière, avec une moyenne de 400 à 500 arrivées par jour.
« Saisir l'opportunité »
Après avoir présenté son plan au Conseil, Mme Koury a exhorté la communauté internationale à le soutenir.
« Les armes de la Libye restent largement silencieuses, mais elle n'est ni stable ni en paix », a-t-elle déclaré. « Dans le contexte d'une implication étrangère persistante, de changements régionaux et de vents contraires économiques croissants, nous devons collectivement saisir l'opportunité de parvenir à un règlement politique durable ».
Elle a souligné que le succès du plan « nécessite avant tout une volonté politique et l'engagement des acteurs libyens à s'abstenir de toute action unilatérale qui continue de renforcer les divisions institutionnelles et la polarisation ».
Elle a toutefois réitéré que « l'unité d'objectif et le soutien coordonné des partenaires régionaux et internationaux de la Libye » sont tout aussi cruciaux.
« Le peuple libyen a montré qu'il désire non seulement le changement, mais qu'il a aussi la capacité de parvenir à des accords par le compromis, de réaliser des progrès durables et d'organiser des élections. Et il a besoin de votre soutien unifié », a-t-elle déclaré.