Kenya: Au pays, travailleurs et travailleuses du sexe plaident pour le respect de leurs droits

Au Kenya, les travailleurs et travailleuses du sexe ont fait du 17 décembre, leur journée nationale. Un jour durant lequel ils s'efforcent de sensibiliser le monde sur leurs conditions de travail. La prostitution est interdite dans le pays, ce qui empêche les personnes concernées de réclamer leurs droits, notamment en matière de justice, alors qu'elles sont très souvent victimes de violences.

Agnès Mukina est une travailleuse du sexe, à Thika, dans le comté de Kiambu, à 40 kilomètres de Nairobi. C'est la boule au ventre qu'elle sort travailler chaque soir. « Un jour, un client a refusé de me payer, témoigne-t-elle. Il m'a frappée, étranglée. Puis, il a retiré le préservatif et m'a violée. Après, il s'est enfui. Quand je vais travailler, j'ai très peur. Mais je n'ai pas d'argent et c'est mon travail ».

Au siège de la Kiaswa, l'Alliance des travailleurs du sexe de Kiambu, Clavian Kiangari est venue consulter. Son bébé d'un an sur les genoux, elle partage ses traumatismes. « Je prends des médicaments pour les cauchemars, le stress, l'angoisse, explique-t-elle. Mais ce travail m'aide beaucoup : il paie la nourriture de mes enfants, leurs frais scolaires, notre loyer, leurs vêtements. Des choses comme ça ».

La Kiaswa apporte, entre autres, un soutien juridique aux travailleurs du sexe victimes de violence. Obtenir justice est en effet un calvaire qui commence par le simple dépôt de plainte. Purity Njoki Kibochi, travailleuse du sexe et chargée de plaidoyer de l'organisation, affirme : « La police nous dit souvent : "Comment est-ce qu'une travailleuse du sexe pourrait bien être violée ?" Ensuite, on doit payer pour l'essence de leur moto, de leur voiture. Et on n'a pas cet argent. Les travailleuses du sexe restent des êtres humains. C'est un travail comme un autre et il devrait être respecté. »

Depuis sa création en 2019, la Kiaswa a obtenu 30 condamnations, pour des centaines de plaintes déposées.

« La décriminalisation changerait tout »

Au Kenya, la prostitution est interdite par l'article 165 du code pénal. La Kiaswa a tenté, il y a plusieurs années, un recours en justice contre cette loi. Mais, après des années de procédures, le juge a rendu un non-lieu. La Kiaswa ne baisse pas pour autant les bras et se prépare d'ores et déjà à interjeter appel.

Jessica Laura, un travailleur du sexe transgenre et directeur de programme de la Kiaswa, souligne : « Selon les lois du Kenya, si une personne est prise en train de se prostituer, elle encourt une peine allant jusqu'à 14 ans de prison. La décriminalisation changerait tout. Actuellement, vous ne pouvez pas porter plainte pour des violences sexuelles. Car, au poste, le policier vous demandera : "Comment un travailleur du sexe pourrait bien être victime de viol ?" Aussi, les travailleurs de santé discriminent les prostituées, puisque ce sont des personnes immorales. »

Jessica Laura poursuit : « Donc, s'il y a décriminalisation, d'abord la police pourra aider les travailleurs du sexe et, ensuite, l'accès à la santé sera bien plus efficace. On subira aussi moins de violences. Les travailleurs du sexe auront l'autonomie, la liberté et le pouvoir, de négocier avec les clients. Il sera moins évident de violer leurs droits. (Ironique) Mais la beauté dans tout ça, c'est que la plupart des hommes politiques et des personnalités ici sont des clients des travailleurs du sexe. Pareil pour les policiers qui nous harcèlent le jour et nous consultent la nuit. Donc, tout ça, est une question d'hypocrisie et de faux semblants. »

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