Un tribunal spécial a ordonné ce 16 décembre 2024 à l'État ougandais de verser jusqu'à 2 400 euros par personne aux victimes de Thomas Kwoyelo, l'un des commandants les plus notoires de l'Armée de résistance du seigneur (LRA). Condamné fin octobre à 40 ans de prison pour crimes de guerre - notamment meurtres, tortures, viols et enlèvements - Kwoyelo incarne aujourd'hui un symbole fort des efforts de justice post-conflit dans ce pays. Mais cette indemnisation tant attendue sera-t-elle réellement appliquée ?
Le jugement contre Thomas Kwoyelo est une avancée, mais il reste limité : il ne concerne que 103 victimes, alors que près de 100 000 personnes ont été tuées pendant les 20 ans de conflit mené par la LRA dans le nord de l'Ouganda.
La nouveauté, c'est que cette décision provient de la Cour des crimes internationaux en Ouganda, une juridiction nationale créée pour juger les crimes de guerre. Contrairement au procès de Dominic Ongwen, un autre commandant qui a été jugé par la Cour pénale internationale (la CPI, aux Pays-Bas), l'Ouganda prend ici ses responsabilités pour traiter ces crimes localement.
Du côté des réactions, un sentiment de justice domine. Betty Lalam, ancienne victime, déclare : « Ils ont fait des choses terribles : ils ont violé des gens, des jeunes filles, ils les attrapaient et les violaient. Ils vous forçaient à faire des choses contre votre gré. C'était une situation très difficile. Donc, je suis d'accord avec cette décision de justice, même si j'étais dans un autre groupe. Mais d'autres victimes m'ont raconté ces atrocités qu'elles ont subies. »
Le gouvernement rejette ce jugement
Betty Lalam est certes donc une ancienne victime, elle aussi. Mais elle vivait sous la tyrannie d'un autre commandant et ne recevra pas de compensation. Cela illustre bien la complexité de cette décision contre Thomas Kwoyelo, lui-même un ancien enfant-soldat devenu commandant dans la LRA.
L'application de la décision dépend aussi, par ailleurs, de la volonté politique : le gouvernement rejette ainsi déjà ce jugement, affirmant qu'il n'a aucune base juridique. Reste aussi la question des moyens : indemniser chaque victime à hauteur de 2 400 euros semble incertain. Mais si ces fonds étaient effectivement versés, cela pourrait changer la donne pour ces victimes. Beaucoup ont été privées d'activité économique pendant deux décennies de guerre.
Un tribunal ougandais avait déclaré l'ancien commandant de la rébellion de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), Thomas Kwoyelo, coupable de 44 chefs d'accusation relevant de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Arrêté il y a plus de 15 ans dans le parc de la Garamba en République démocratique du Congo, il avait été le premier responsable de la LRA à être jugé par une cour nationale.