Madagascar: Lutte contre le trafic d'or - Quel premier bilan pour le guichet unique d'exportation?

À Madagascar, trois lingots d'or destinés à l'exportation illégale vers Dubaï ont été saisis à l'aéroport d'Antananarivo la semaine dernière. Trois personnes ont été arrêtées dans cette affaire. Pour lutter contre ces trafics illicites, les autorités malgaches ont mis en place en février dernier un guichet unique pour permettre d'exporter légalement de l'or après plusieurs années d'interdiction. Mais depuis, seuls quelques kilos ont transité via ce guichet, et la filière aurifère est toujours aussi gangrénée par les trafics, selon la société civile.

Douze kilos d'or ont été exportés légalement via le guichet unique depuis février, selon le ministère des Mines malgache, qui estime par ailleurs qu'une tonne d'or sort clandestinement de Madagascar chaque mois.

Cette quantité d'or dérisoire vendue via le guichet unique s'explique notamment, selon le ministère des Mines, par le maintien jusqu'en août dernier d'un droit d'accise sur ce métal précieux. Une taxe désormais supprimée dans le projet de loi de finances rectificatif pour 2024. Autre frein à l'export légal : l'agrément des comptoirs d'or est arrivé à expiration mi-octobre. Ces intermédiaires incontournables entre les collecteurs d'or et le guichet unique sont depuis en attente d'un renouvellement.

« Pousser à rentrer dans les voies légales »

Si le guichet unique d'exportation n'a attiré que peu de vendeurs jusqu'à présent, il constitue toutefois un outil précieux dans la lutte contre les trafics illicites, selon Ernest Lainkana Zafivanona, directeur général des douanes de Madagascar.

« Parce qu'il allège les procédures, je pense que le guichet unique devrait être incitatif pour les personnes qui veulent exporter de l'or », défend-t-il. « Et il y a aussi des moyens qui vont être beaucoup plus répressifs. C'est toujours coûteux quand on se fait attraper, car on perd la totalité de l'or, c'est-à-dire que l'or qui circule en contrebande est systématiquement saisi par l'État. Les dispositifs de contrôle qu'on met en place vont pousser les personnes à rentrer dans les voies légales », promet-il.

En exportant l'or illégalement, les contrebandiers cherchent avant tout à éviter le rapatriement de devises à Madagascar, selon le directeur général des douanes, alors que ce rapatriement s'applique automatiquement via la voie légale. « C'est très important pour l'économie parce que c'est ce qui contribue à la stabilité de l'ariary. On importe aussi, donc on a besoin de devises. Nos exportations, par exemple dans les produits miniers ou l'agroalimentaire, vont donc constituer des réserves de devises pour la banque centrale. »

« Fondre l'or localement » pour mieux tracer les stocks

Clément Rabenandrasana, coordonnateur national de l'Organisation de la société civile sur les industries extractives, salue la mise en place de ce guichet unique. Il s'agit d'un premier pas dans l'assainissement de la filière, mais il reste beaucoup à faire, selon lui.

« Il y a des autorités, des personnes influentes qui sont derrière les trafiquants. Faire preuve de volonté politique, c'est lutter contre la corruption dans le secteur aurifère. Donc il faut identifier les auteurs de tous les trafics et les sanctionner, appliquer sévèrement la loi », assure-t-il.

D'après lui, tous les maillons de la chaîne de valeur nécessitent un encadrement bien plus ferme, pas seulement l'exportation. Clément Rabenandrasana plaide par exemple pour une fonte locale de l'or, au plus près des mines artisanales, afin de mieux tracer les stocks dès le début de la chaîne.

« Cela permettra un meilleur contrôle des flux d'or au bénéfice des orpailleurs, qui ne connaissent même pas le prix de l'or au niveau international. Par rapport au prix, ils se sentent désavantagés face aux collecteurs, explique-t-il. Cela aura aussi un intérêt pour les communes puisque, si la filière s'organise de façon illicite, elles ne perçoivent pas de taxes. C'est très important de tracer la chaîne pour qu'elles aient des redevances et qu'elles puissent ainsi participer au développement local », conclut-il.

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