Le Réseau Fraisen est un exemple réussi d'initiative économique et sociale. Il met en valeur le potentiel de la production locale en fraise, en favorisant l'inclusion sociale et la promotion d'une agriculture durable.
En 2023, la capitale sénégalaise a accueilli le forum mondial de l'économie sociale et solidaire (ESS). Le choix de Dakar n'était pas anodin. Le Sénégal est un pays où l'ESS est particulièrement dynamique. Bien plus qu'un simple concept économique, elle joue un rôle essentiel dans le développement économique et social. Elle représente un modèle de développement ancré dans les valeurs de solidarité, d'équité et de respect de l'environnement, selon le sociologue Dr Ibrahima Khalil Niang. « Les pratiques de mutualité et de coopération sont profondément enracinées dans les traditions sénégalaises. Les tontines, les groupements d'intérêt économique (GIE), les coopératives agricoles en sont de bons exemples », confie l'enseignant-chercheur. Toutefois, il précise que l'ESS au Sénégal présente des caractéristiques propres lui conférant « une forte légitimité sociale ».
Très diversifiée, l'ESS regroupe des coopératives, des associations, des mutuelles, des entreprises sociales, etc., et se déploie sous diverses formes. Elle est particulièrement dynamique dans le secteur agricole avec de multiples réussites. A Bayakh (dans la région de Thiès), le réseau Fraisen est un modèle d'économie sociale et solidaire, qui fait son chemin particulièrement dans la culture et la valorisation de la fraise au Sénégal, en permettant aux producteurs de partager leurs connaissances, leurs expériences et leurs bonnes pratiques ; favorisant ainsi l'émergence d'une communauté de producteurs solidaires.
Habillé d'un tee-shirt vert et d'un pantalon de même couleur, Thierno Souleymane Agne en est le fondateur. « Le réseau Fraisen a pour but d'unifier et d'accompagner les producteurs de fraises en Afrique sous un label de qualité, en organisant la filière et en développant un label de production fort et commun, afin de mieux valoriser le made in Africa », explique M. Agne. Le réseau Fraisen a déjà un impact significatif sur le secteur de la production de fraise au Sénégal. La culture de la fraise s'est développée et a permis de créer de nombreux emplois, notamment au profit des jeunes et des femmes. De plus, les producteurs bénéficient de meilleurs revenus grâce à une commercialisation « plus efficace et à des prix plus justes ». Une fierté pour son fondateur. « Grâce à la visibilité que nous lui avons offerte, la culture de la fraise intéresse de plus en plus de producteurs, qui sont demandeurs de préfinancements, de renforcement de capacité et d'un accès à des marchés sûrs », confie Thierno Souleymane Agne, passionné de terrain. Il passe le plus clair de son temps dans les champs pour expliquer aux jeunes et aux femmes les itinéraires techniques.
En ce jour de vendredi, dix jeunes dont une majorité de femmes (sept) travaille à l'expérimentation de la culture des choux pendant l'hivernage. « Il n'est pas courant que l'on cultive les choux pendant la saison des pluies à cause de l'acidité de l'eau. Mais au regard de la demande, nous voulons domestiquer cette culture comme nous l'avons fait avec la fraise », déclare Thierno Souleymane Agne, sous le regard complice de son épouse Fama qui forme les femmes sur la transformation des produits agricoles.
Au-delà de son rôle de fédérateur de producteurs de fraises, Thierno Souleymane Agne a mis en place un centre d'incubation pour former et accompagner les porteurs de projets agricoles innovants. Ce centre constitue un véritable accélérateur, offrant aux entrepreneurs les outils et les ressources nécessaires pour développer leurs activités. Ce modèle connait un succès et bénéficie de l'accompagnement des structures de l'Etat comme l'Agence de développement et d'encadrement des Petites et moyennes entreprises (ADEPME), et des partenaires au développement tels que l'USAID.
Dans la région de Kaolack (centre du Sénégal), la Fédération des producteurs de maïs du Saloum (FEPROMAS) trace son sillon, en mettant en avant les valeurs de l'économie sociale et solidaire, notamment les principes de solidarité, de coopération et d'utilité sociale. Selon sa présidente, Nimna Diayté, cette organisation intervient dans trois régions du Sénégal (Kaolack, Fatick et Kaffrine) et fédère un bon nombre de Groupements d'intérêt économique (GIE) et d'organisations paysannes, en leur facilitant l'accès aux intrants et aux financements. A côté de la production agricole, la FEPROMAS s'active également dans l'élevage, le maraichage pour approvisionner le marché local.
Au Sénégal, l'ESS charrie beaucoup d'enjeux. Elle participe fortement à l'insertion sociale par l'emploi (elle génèrerait plus de 350.000 emplois) notamment pour les femmes, les jeunes et les personnes vulnérables assez éloignées du marché de l'emploi. C'est un chiffre d'affaires de 382,5 milliards selon l'organisation internationale du travail (OIT) pour une moyenne de 45.000 PME. Conscient des enjeux, l'Etat a créé, depuis quelques années, un ministère dédié et adopté la loi d'orientation du 2 juin 2021. Les autorités pensent que ce modèle économique représente un véritable levier pour le développement du pays et la lutte contre le chômage et le sous-emploi. Il place l'humain et le bien commun au coeur de ses préoccupations, et offre des solutions à des segments de la population souvent délaissés.
Les tontines au Sénégal : la forme la plus populaire de l'ESS au Sénégal
Les tontines constituent des systèmes d'épargne et de crédit rotatifs profondément ancrées dans les moeurs de la population. Elles sont un élément essentiel du tissu économique et social sénégalais et jouent un rôle crucial dans l'inclusion financière, l'autonomisation des femmes et le développement local. De par sa simplicité et son caractère informel, les tontines constituent la forme la plus répandue et un pilier de l'économie sociale et solidaire au Sénégal.
Il en existe différents types qui se distinguent par leur mode de fonctionnement, leur taille et leurs objectifs. Les tontines traditionnelles, les plus courantes sont basées sur des liens familiaux, amicaux ou de voisinage. Dans ce genre, les montants des cotisations ne sont pas importants. Quant aux tontines professionnelles, elles regroupent des personnes exerçant le même métier ou travaillant dans la même entreprise. Les mises sont un peu plus conséquentes.
Aujourd'hui, bon nombre de salariés utilisent ce procédé pour financer leurs besoins en équipements ou réaliser un projet. Il y a, enfin, les tontines thématiques créées autour d'un projet spécifique.