L'ancien Président gambien, Yaya Jameh, dont le nom continue de faire trembler certains de ses compatriotes, refait la Une de l'actualité, alors qu'on l'avait oublié dans son exil équato-guinéen. Cet officier, qui a dirigé la Gambie d'une main de fer
pendant 22 ans (1994-2017), va devoir répondre des crimes de sang commis sous son règne. En effet, les chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont approuvé, le 15 décembre 2024, la création d'un tribunal spécial pour juger l'ex-dirigeant gambien. Cette décision constitue un soulagement pour les autorités gambiennes, qui l'ont qualifié d'« historique ».
Il en est de même pour les victimes du régime autoritaire de Yaya Jameh, qui n'ont de cesse réclamer justice, depuis son départ forcé du pouvoir en 2017, suite à son refus d'admettre la victoire d'Adama Barrow à la présidentielle en son temps. Aussi, la décision de création d'un tribunal spécial fait-elle l'affaire de la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC) de la Gambie.
Dans son rapport final transmis au Président Barrow en décembre 2021, cette structure avait préconisé des poursuites judiciaires contre une dizaine de personnes, y compris Yaya Jameh, à la lumière de ses investigations. Le document indique que l'ancien chef de l'Etat gambien est suspecté d'être responsable de l'assassinat de plus de 200 personnes, sous sa gouvernance. Les victimes étaient entre autres des opposants politiques, des dissidents, des citoyens ordinaires et des hommes de media.
Entre autres faits pouvant être pris en compte, figurent l'assassinat du journaliste Deyda Hydara en 2004 et la mort en détention de l'opposant Solo Sandeg en 2016, un an avant la chute de Yaya Jameh, connu pour son caractère imprévisible, sa brutalité et sa cruauté. Il est par ailleurs soupçonné d'avoir commandité l'assassinat d'une cinquantaine de migrants ouest-africains, en juillet 2005. Aucune voix discordante ne pouvait prospérer sous le pouvoir de Yaya Jameh.
Le qualificatif de dictateur lui colle à la peau jusqu'à présent, tant son passage à la tête de la Gambie a laissé de très mauvais souvenirs dans les esprits. Yaya Jameh se voit donc rattrapé par son passé et devrait être poursuivi, entre autres, pour meurtres, viol,
tortures et disparition forcées, comme l'a recommandé le TRRC. En matière de gestion des deniers publics, l'ex-homme fort de la Gambie doit aussi des comptes, puisqu'un rapport daté de 2019 d'une Commission d'enquête mis en place par le président Barrow l'avait accusé d'avoir détourné près d'un milliard de dollars.
Il reste à savoir si des dispositions seront prises pour obtenir l'extradition de Yaya Jameh depuis la Guinée Equatoriale ou s'il sera jugé par contumace. Peu importe le scenario auquel on aura affaire, il n'y aura pas d'impunité pour l'ancien chef de l'Etat qui ne semblait pas être inquiété, malgré son lourd passé. Certains proches des victimes étaient arrivés à se demander si Yaya Jameh ne bénéficiait pas de la protection de l'actuel Président Barrow.
Que d'encres et de salives avaient coulé à propos de l'étrange alliance, que les deux hommes avaient scellé en vue de la présidentielle de décembre 2021, à l'issue de laquelle Barrow avait été réélu. Le cas Yaya Jameh devrait instruire les dirigeants, à l'échelle du continent africain, qui une fois aux affaires, se croient tout permis, disposant des vies et des fonds publics comme ils veulent. Nos actes peuvent nous rattraper à tout moment et il ne faut jamais perdre cela de vue.