Sénégal: Dr Ibrahima Khalil Niang, enseignant-chercheur en sociologie - « Les entreprises sociales au Sénégal génèrent un chiffre d'affaires de 382,5 milliards de francs »

interview

L'économie sociale et solidaire (ESS) joue un rôle essentiel dans le développement du Sénégal. Selon Dr Ibrahima Khalil Niang, enseignant-chercheur à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, elle offre en effet, des solutions innovantes, pour répondre aux défis économiques, sociaux et environnementaux du pays. D'où l'importance que l'Etat lui accorde à travers la mise en place d'un ministère dédié et l'adoption de la loi d'orientation du 2 juin 2021.

C'est quoi l'Économie sociale et solidaire ?

L'économie sociale et solidaire suscite depuis quelques années un grand intérêt au Sénégal, comme si elle est une pratique nouvelle sous nos cieux, alors que les expériences sur le terrain ont démontré à suffisance des pratiques existantes au sein de nos communautés. Elle peut être définie selon plusieurs critères : d'abord suivant les activités qu'elle mobilise (commerce équitable, insertion professionnelle, aide aux personnes âgées, manifestations culturelles et/ou sportives, etc.), ensuite selon les acteurs qui en sont le support (entrepreneurs, particuliers, salariés, etc.), et enfin selon les formes organisationnelles qu'elle revêt (société anonyme, association, coopérative, fondation, mutuelles de santé, etc.). Les formes de l'ESS sont diverses et variées, d'autant que si l'on retient ces trois entrées (acteurs, organisations, activités), différentes combinaisons sont possibles. Elles soulèvent cependant, des questions. Bref, c'est une branche de l'économie qui cherche à articuler activité économique et justice sociale. Une sorte d'alternative au capitalisme caractérisé par la libre concurrence et la propriété privée.

Quels sont ses fondements au Sénégal ?

Au Sénégal, nous avons quatre grandes formes d'organisations qui constituent la famille de l'ESS à savoir, les coopératives, les associations, les mutuelles et les fondations. Elles sont toutes régies par les normes nationales ou communautaires (Cedeao). C'est la loi d'orientation relative à l'économie sociale et solidaire du 4 juin 2021, qui réalise un ancrage juridique de cette forme d'économie, en visant les « activités économiques menées, avec une approche centrée sur la personne humaine, visant une finalité sociale ou environnementale, et réalisées par des coopératives ou mutuelles, des associations entreprenantes, des entreprises sociales ou par des acteurs de l'économie populaire ».

L'agrément « économie sociale et solidaire » n'est délivré qu'aux entreprises qui, aux termes de l'article 19 de la loi de 2021, apportent « à travers leur activité, un soutien à des personnes en situation de fragilité, du fait de leur situation économique et sociale » ainsi qu'à celles qui se destinent à « contribuer à la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires, économiques, à l'éducation, à la citoyenneté, ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale.

Quels sont les secteurs où l'ESS est le plus dynamique au Sénégal ?

Les secteurs les plus dynamiques sont la microfinance, l'agriculture, la santé. Les études ont montré que les entreprises sociales au Sénégal représentent non seulement une part importante des entreprises (en moyenne 12 % des petites et moyennes entreprises - PME), mais aussi un poids économique non négligeable (près de 5 % du PIB). De plus, en matière de développement humain et d'insertion socio-économique, il est apparu qu'elles participent fortement à l'insertion sociale par l'emploi (elles génèrent plus de 350.000 emplois), en particulier pour les femmes, les jeunes et les personnes vulnérables qui se trouvaient assez éloignées du marché de l'emploi. C'est un chiffre d'affaires de 382,5 milliards selon l'organisation internationale du travail (OIT) pour une moyenne de 45.000 PME.

Quels sont les liens et enjeux entre économie sociale et solidaire et économie informelle au Sénégal ?

Les frontières entre l'ESS et le secteur informel sont difficiles à tracer, tant et si bien que c'est un secteur qui réalise des activités et fournit des services entre un secteur public un peu rigide, et un secteur privé soumis aux lois de l'économie de marché. En résumé, l'ESS est aussi appelée économie populaire. Tandis que le secteur informel consiste en un ensemble d'unités produisant des biens et des services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ce sont des unités à faible niveau d'organisation, opérant avec peu ou pas de division entre travail et capital, sur une petite échelle, avec des relations d'emploi fondées, lorsqu'elles existent, sur des liens de parenté, ou des relations personnelles ou sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties.

Comment l'État sénégalais soutient-il le développement de l'ESS ?

En mettant en place depuis quelques années un ministère en charge de l'ESS, l'État du Sénégal a pris conscience de l'importance de ce secteur, au point d'accueillir le forum mondial de l'économie sociale solidaire en 2023. Déjà, au plan de la législation, des efforts ont été faits pour plus de lisibilité des organisations. Des financements ont été mis à la disposition des entrepreneurs sociaux, les mutuelles de santé, autour de la couverture médicale universelle, etc. Toutefois, des efforts restent à être faits pour améliorer l'environnement de l'ESS.

Les acteurs regroupés autour des organisations de la société civile comme «Disso », ont sollicité de rendre effectifs les dispositifs et mesures prévus par la loi d'orientation du 2 juin 2021 notamment :

  • de sensibiliser et de s'appuyer sur la jeunesse ;
  • de faciliter l'accès aux financements ;
  • de promouvoir l'entreprenariat social, etc.

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