Madagascar: Trop tard

Commune rurale d'Andasibe, située à 138 km à l'Est d'Antananarivo. Deux aires protégées : Réserve spéciale d'Analamazoatra (810 ha), Parc National de Mantadia (7502 ha), 140 espèces d'orchidées, 14 de lémuriens, 113 d'oiseaux, 53 de reptiles, 260 d'insectes, 81 d'amphibiens. Une endémicité exceptionnelle : 80% des amphibiens, 100% des lémuriens... Littérature convenue.

En introduction d'une étude, «Vulnérabilité économique des populations et vulnérabilité des ressources forestières : le cas d'Andasibe», on peut s'apitoyer (ou s'amuser), à lire : «De longue date, la conservation de l'environnement a reposé sur l'exclusion des populations». Effectivement, si WWF, ANGAP et autres avaient existé il y a deux mille ans, les hippopotames nains, l'oiseau-éléphant, les lémuriens géants, seraient encore en vie.

C'est en 1992, au Sommet de Rio, que fut lancé le concept de «gestion participative des ressources naturelles». Trente deux ans plus tard, quant à Madagascar, ladite «gestion participative» se sera résumée à une endémicité formidable : la bêtise humaine. On ne peut simplement plus continuer à discourir et faire semblant de faire comme si.

Je cite encore : «Parc National Mantadia, le paradis des Indri Indri», «forêt dense humide sempervirente»... Combien d'amphibiens, de reptiles et de lémuriens se préparent à disparaître chaque fois qu'un bébé humain vient surcharger une démographie déjà affolante ?

Vers le hot-spot touristique d'Andasibe, les touristes n'ont pas le temps de somnoler : compter les cadavres d'arbres qui attendent d'être embarqués dans des camions qu'on retrouvera à Ambohimangakely ; immortaliser le kubota et son chargement improbable de fret et d'humains sur une Route Nationale ; philosopher sur les innombrables sacs de charbon que des automobilistes amarrent sur le porte-bagages de leur 4x4 tananarivien.

Pourquoi externaliser des COP qui devraient se dérouler in situ, sur le terrain, à Andasibe. C'est combien de crédit-carbone de partir en touriste à Paris, porter un plaidoyer à Glasgow, vitupérer un réquisitoire à une tribune internationale contre l'Occident qui oublierait de nous ristourner ledit crédit-carbone tandis que nous ne sourcillons même pas du spectacle autour d'Andasibe.

Un éco-tourisme singulier. De part et d'autre du ruban de bitume de la RN2, deux mondes distincts, séparés, alors qu'ils sont censés constituer un corridor forestier pour le libre déplacement des dernières espèces protégées. Nous, humains, devons réaliser que nous rendons visite aux vrais derniers spécimens d'une espèce très prochainement disparue sauf à l'affiche de Sydney. Sur la RN2 donc, d'un côté, une forêt relativement protégée. Pourtant, une largeur de Route Nationale plus loin, un monde de désolation, tapis végétal calciné sur des kilomètres, arbustes abattus par milliers, kitay empilés en symbole funeste d'une «ala atsinanana» qui fera bientôt partie des contes et légendes.

Dire adieu aux ultimes millionièmes maillons d'une chaîne qui nous venait du tellement passé et qui devait nous rallier au si proche futur. Pourrions-nous jamais, un jour, nous le pardonner. Andasibe, est-ce déjà trop tard.

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