Quatre jours seulement après le passage destructeur du cyclone Chido à Mayotte, le ministre démissionnaire français de l'Intérieur a de nouveau déclaré, mercredi 18 décembre, que la reconstruction de l'île passait aussi par un nouveau durcissement de la législation contre l'immigration clandestine en provenance des Comores. Une déclaration qui suscite une très vive réaction à Moroni.
Alors qu'à Mayotte, les autorités peinent toujours à établir un bilan des ravages provoqués sur l'île par le passage dévastateur du cyclone Chido, samedi 14 décembre, déjà le débat sur l'immigration clandestine dans le 101e département français reprend de plus belle à Paris, ce qui ne manque pas non plus de faire vivement réagir aux Comores pointées du doigt.
Sur BFMTV et RMC mercredi 18 décembre, Bruno Retailleau, le ministre démissionnaire de l'Intérieur, a ainsi affirmé qu'à la suite de la catastrophe, « on ne pourra[it] plus faire comme avant » en matière d'immigration sur place, promettant notamment d'être « beaucoup plus dur vis-à-vis des Comores ». « On sait très bien qu'il y a une politique comorienne qui consiste [...] à laisser partir [...]. Il y a une forme - le mot est sans doute trop fort - de guerre hybride si j'ose dire, en poussant des populations vers Mayotte pour susciter une sorte d'occupation clandestine », a déclaré celui-ci, assumant des propos sur la nécessité de légiférer sur l'immigration pour reconstruire Mayotte - et avec lesquels il avait déjà déclenché une vive polémique la veille.
« Il faut changer les règles, a-t-il répété une nouvelle fois. Dans la maternité de Mamoudzou - c'est la plus grande maternité française -, un enfant naît par heure et, malheureusement, 74 % de ces enfants [ont] des mamans qui sont dans la clandestinité », a expliqué le ministre avant de poursuivre : il suffit, même quand on est clandestin, d'accoucher dans ces conditions, pour que demain l'enfant, à sa majorité, devienne lui-même français. C'est ça qu'il faut qu'on règle aussi ». A Mayotte toutefois, depuis la loi asile et immigration de 2018, le droit de la nationalité est déjà dérogatoire puisqu'un demandeur doit prouver qu'au moins l'un de ses deux parents y vivait en situation régulière depuis plus de trois mois lors de la naissance de l'enfant. Bruno Retailleau envisage, lui, de porter ce délai à « un an ».
« On ne peut pas être ministre régalien de la République française et parler de cette façon »
Toujours dans l'optique de contrer l'immigration illégale sur l'île française, le ministre démissionnaire de l'Intérieur a évoqué aussi une autre piste. « Il faudra également envisager de nouveaux moyens de lutte, notamment en utilisant un certain nombre d'outils modernes, de drones, etc. pour prévenir l'arrivée des kwassa kwassa », a-t-il déclaré en faisant allusion aux petites barques à moteur utilisées par les migrants illégaux venus des Comores pour rallier Mayotte.
Aux Comores, ces propos ne sont, bien sûr, pas passés inaperçus et sont très commentés à Moroni. « On ne peut pas être ministre régalien d'une république comme la République française, issue du siècle des Lumières, et parler de cette façon. Ce n'est pas possible, réagit ainsi le conseiller diplomatique du président Azali Assoumani joint par le correspondant de RFI dans le pays, Abdallah Mzembaba. Pour Hamada Madi Boléro, un tel discours est non seulement inapproprié en période de deuil, mais aussi incohérent avec la responsabilité qui est celle de Paris dans la gestion de Mayotte. Depuis 1975, la gestion de cette île, c'est la France. Je ne sais donc pas par quelle magie celle-ci veut gérer un territoire et trouver les responsables de telle ou telle situation qu'il s'y produit dans un autre, ailleurs », affirme-t-il.
On ne cherche pas à diviser encore les meurtris et les morts, ça ne se fait pas.