Une quête mystique à la recherche d'une mare légendaire connue sous le nom du «Lac bleu» pour capter la beauté du monde au hasard la chance tout en étant aveugle... Un récit poétique qui invite à la contemplation.
«Marja Zarqa» (Le lac bleu) du réalisateur marocain Daoud Oulad Al-Sayed, film projeté dans le cadre de la compétition officielle des longs métrages de fiction de la 35e édition des JCC, est un road trip dans le désert marocain, efficace et touchant qui nous rappelle l'histoire du « Petit prince » de Saint-Exupéry.
C'est l'histoire poignante de Youssef, un garçon de 12 ans, orphelin et non-voyant, qui vit avec ses grands-parents dans un village perdu en plein désert. Allal, chauffeur de taxi, et Ouardia. Un jour, son grand-père lui offre un appareil photo. Dès lors, Youssef se met à photographier au pif tout ce qui l'entoure. Il demande à son grand-père de l'amener au lac bleu qui se situe au coeur des vastes étendues du désert. C'est ainsi que l'aventure commence. Et le voyage marque un grand tournant dans la vie de l'adolescent ainsi que du film en question.
Dans cet opus de 85 minutes, le film nous embarque dans une quête mystique à la recherche d'une mare légendaire connue sous le nom du «Lac bleu». Capter la beauté du monde au hasard la chance en étant aveugle est une entreprise jouissive pour Youssef qui s'entête à ce que son grand-père le conduise jusqu'au lac bleu. Le spectateur est en haleine durant tout ce voyage en se demandant si le lac bleu existe réellement ou bien est-ce juste un mirage? Plus l'histoire avance et plus le suspense augmente.
Plusieurs événements vont jalonner ce périple. A commencer par le vieux tacot de Allal qui tombe en panne et les rencontres fortuites avec les quelques rares personnes croisées en chemin. Le grand-père essaie de convaincre son petit-fils de renoncer à ce voyage mais l'enfant s'entête et tient bon malgré toutes les vicissitudes. En cours de route, Youssef interroge son grand-père sur la mort de ses parents. Comment sont-ils morts ? Allal hésite à répondre puis il finit par révéler la vérité qu'ils sont décédés au cours d'un accident de la route alors qu'il conduisait la voiture.
Le récit est poétique et invite à la contemplation de très beaux paysages du désert, qui est aussi un personnage essentiel du film. Les vagues de dunes dorées contrastent avec le ciel bleu ainsi que l'horizon lointain invitent à la méditation et à un voyage intérieur. Le film d'une grande beauté esthétique explore des thèmes fondamentaux comme la transmission, la quête de soi et l'endurance dans un désert où l'eau et la nourriture manquent.
Youssef, parti pour une quelconque aventure, réalise en fait un voyage initiatique qui donne sens à sa vie. L'appareil photo devient un outil essentiel pour capturer un monde invisible pour lui, mais qu'il ressent avec beaucoup d'ardeur. Saint-Exupéry ne dit-il pas que l'essentiel est invisible pour les yeux. La cécité de Youssef n'est plus appréhendée comme un simple handicap mais devient une allégorie de l'introspection.
Sur le plan cinématographique, les plans larges sont d'une grande précision picturale et le design sonore amplifie cette immersion dans le désert avec ses murmures, ses silences, le souffle du vent et le bruit des pas sur le sable. L'excellent casting est formé d'acteurs marocains de renommée tels que Mohamed Khouyi, Hasnaa Tamtaoui, Youssef Kadir, Azelarab Kaghat et Abdelhak Saleh. « Le lac bleu » est une oeuvre majeure, sans doute la plus achevée de son réalisateur, Daoud Oulad Al-Sayed.