Lors d'une session de dialogue organisée ce mercredi à Tunis par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), des représentants de la société civile, des députés et des universitaires ont appelé à une révision urgente du décret-loi 54 sur la cybercriminalité, soulignant ses effets néfastes sur la liberté de la presse et son incompatibilité avec la Constitution tunisienne ainsi que les engagements internationaux du pays.
Les participants ont unanimement dénoncé un décret qui, selon eux, porte atteinte à l'acquis fondamental de la liberté d'expression et de la presse. Ils ont également souligné que plusieurs de ses articles sont en contradiction avec la Constitution, notamment les articles 24 et 28, et qu'ils vont à l'encontre des normes internationales en matière de droits humains. En outre, des difficultés d'application du texte ont été relevées, rendant nécessaire une intervention des pouvoirs judiciaire et législatif pour clarifier et trancher cette question.
La députée Hala Jebali, membre de la Commission des droits et des libertés à l'Assemblée des représentants du peuple, a affirmé qu'il était « temps de modifier le décret » et de soumettre à la commission concernée une initiative législative, déjà soutenue par un groupe de parlementaires. Elle a insisté sur la nécessité d'harmoniser les textes juridiques avec les principes énoncés dans la Constitution et les traités internationaux, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par la Tunisie.
De son côté, le président du SNJT, Ziad Dabar, a averti que le décret 54 constituait une menace sérieuse pour la liberté de la presse. Il a révélé que, depuis octobre 2023, des poursuites judiciaires ont été lancées à l'encontre de journalistes, en dehors du cadre du décret 115 qui régit les conditions d'exercice de la profession. Ziad Dabar a également souligné l'importance de l'initiative législative en cours, notamment pour supprimer les peines de prison prévues dans le décret.
Il a appelé la présidence du Parlement à respecter la procédure législative en soumettant cette initiative à l'Assemblée, soulignant que 57 députés avaient déjà signé en faveur de cette démarche.
Bassem Tourifi, président de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'homme, a dénoncé plusieurs articles du décret 54 qui criminalisent l'expression d'opinions, visant principalement les journalistes, blogueurs et avocats. « Bien qu'il soit initialement destiné à lutter contre la cybercriminalité, ce décret sert de prétexte à des poursuites contre ceux qui exercent leur droit à la liberté d'expression », a-t-il expliqué.
Il a également proposé que le ministère de la Justice, en sa qualité de présidence du parquet, émette des recommandations aux juges d'instruction pour s'assurer que l'application des articles du décret 54 soit conforme aux principes constitutionnels et internationaux, notamment en ce qui concerne les peines de prison inscrites dans les articles 24 et 28 du texte.
Pour sa part, Omar Saadawi, membre de l'Ordre national des avocats, a insisté sur l'inconstitutionnalité du décret 54, appelant à sa révision pour le rendre conforme aux normes internationales relatives à la liberté de la presse et au droit à l'expression. « Le décret 54 viole les droits fondamentaux garantis par la Constitution, y compris le droit à la liberté d'expression », a-t-il déclaré.
Les intervenants ont conclu en réaffirmant leur engagement en faveur de la révision du décret 54, afin d'assurer un cadre législatif respectueux des libertés publiques, conforme aux standards internationaux et à la volonté exprimée par la Constitution tunisienne.