Sénégal: Enjeux de gouvernance ou jeux politiques ?

19 Décembre 2024
analyse

Le Sénégal vient de réussir coup sur coup, en l’intervalle d’un an, son élection présidentielle et le renouvellement de son Assemblée nationale, avec les élections législatives anticipées qui ont suivi, après la dissolution de ladite Assemblée nationale.

Le parti Pastef a obtenu une majorité confortable de 130 députés sur les 165 que compte l’Assemblée nationale et dispose désormais des coudées franches pour mettre en œuvre son programme de gouvernement.

Il faut dire que l’épisode des législatives, qui a entamé le processus de recomposition de l’espace politique, n’a pas fini de révéler toutes les lignes de démarcation, pour ne pas dire de fracture, tant les alliances qui ont été nouées pendant les législatives ont étonné plus d’un par leur composition et pis par l’absence d’un programme sérieux. Tous les observateurs avertis, y compris les acteurs eux-mêmes en conviennent aujourd’hui, et la piètre qualité de leur campagne l’atteste.

Cette séquence terminée, l’Assemblée installée en urgence sous la contrainte des délais très courts pour l’adoption du budget, tranche sur le vif pour la radiation du député Maire de Dakar Barthélémy Dias, conformément à l’art. 61 de son règlement intérieur. La raison, on la connaît, le député Barthélémy Dias a fait l’objet d’une condamnation définitive « pour coup mortel », dans une affaire qui s’est produite il y a 12 ans.

Règlement de compte politique, ou exécution diligente de la loi ? La question est posée aux tenants de la gouvernance de rupture ( Jub Jubbal Jubbanti ont-ils dit), même si on ne peut pas leur reprocher la « carence » du régime précédent, qui aurait dû entrer en voie de radiation du député condamné définitivement, comme le stipule la loi.

Mais là où l’on pourrait avoir quelques doutes sur les dessous de cette « légalité post-électorale », c’est sur l’extension des conditions de la radiation du député à son mandat d’élu municipal et par conséquent celui de Maire de la Capitale. L’argument de la double peine, que brandissent certains aurait peu de chance de prospérer, si le déploiement massif des forces de police empêchant toute activité du Maire, y compris dans les locaux et alentours de la Mairie de Dakar, est resté sans motif autre que de l’excès de zèle. Empêcher le Maire d’accéder à l’hôtel de ville, peut être compris au nom de mesures conservatoires nécessaires, mais empêcher le bureau municipal d’assurer la continuité du service public, de travailler ; difficile à justifier. Il faut absolument revenir à la sérénité nécessaire dans ce délai de recours devant la cour d’appel, qui faut-il le rappeler, est de 10 jours.

D’ici là, le combat politique peut se poursuivre parallèlement à la prise en marge des urgences et des priorités qui frappent à la porte du nouveau régime avec insistance, et que cette séquence risque de le distraire pour une longue période si on n’y prend garde.

Les enjeux de gouvernance qui sont au fronton du nouveau régime ne doivent en aucune manière parasiter la marche de la ville de Dakar pendant toute la période de recours du Maire. L’effet immédiat de la mesure de révocation ne veut nullement dire arrêt du service. Il consiste seulement à priver au Maire de toute prérogative de signature, de présidence du conseil municipal…, et que son adjoint assure l’intérim.

Procéder ainsi, en empêchant le bureau municipal de se réunir, est, il faut le dire, une manière de pousser vers un blocage provoqué de l’institution municipale pour imposer une délégation spéciale. Ce serait une première regrettable sous le régime de Bassirou Diomaye Faye. Il n’est pas trop tard pour rectifier le tir et laisser la justice jouer son rôle, à savoir trancher les litiges et dire le droit.

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