Dakar — Le visage actuel de certaines villes africaines reflète leur passé colonial, a affirmé, mercredi, l'universitaire et penseur sénégalais Felwine Sarr, évoquant notamment des villes construites contre ses habitants et configurées aux attentes du pouvoir colonial.
« Les villes coloniales ont été construites contre leurs habitants et configurées pour répondre aux besoins de l'extraction des ressources », a-t-il relevé, ajoutant : « Une grande partie du visage actuel des villes africaines a été façonnée par l'expérience coloniale ».
Felwine Sarr a fait ce constat en prononçant, mercredi à Dakar, la conférence inaugurale d'un symposium international portant sur le thème "A sense of place" (Un sens des lieux) dont il est le directeur.
Cette rencontre, qui se poursuit jusqu'au samedi au musée Théodore Monod d'art africain de l'université Cheikh Anta Diop, réunit, entre autres, des artistes, des chercheurs, des architectes, des urbanistes et des géographes.
A l'initiative de Raw Material Company, une institution d'art basée à Dakar, cette manifestation intellectuelle offre un cadre pour réfléchir sur « la question écologique, les savoirs endogènes, les ressources cosmologiques et mythologiques et sur l'hospitalité », indique-t-on.
L'auteur d'Afrotopia (2016)-un essai dans lequel il invite l'Afrique à ne plus « courir sur les sentiers qu'on lui indique, mais marcher prestement sur le chemin qu'elle se sera choisi »- s'est aussi attardé sur « les matrices mythiques et symboliques originelles des villes africaines qui sont antérieures aux faits coloniaux ». Il cite à cet égard les exemples Tombouctou et Gao, au Mali, ainsi que Benin City, au Nigeria.
« Des villes africaines existaient bien avant la colonisation », a insisté Felwine Sarr ,qui a rejoint en 2021 l'Université de Duke, en Caroline du Nord (USA), où ses travaux académiques portent sur l'écologie des savoirs, la philosophie contemporaine africaine et diasporique. Il a enseigné pendant 13 ans l'économie du développement et l'histoire des idées religieuses à l'Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis.
« C'est une réflexion pour faire l'état des lieux sur la crise de la ville, aussi sur la crise écologique et sur toutes les difficultés que les individus ont à habiter pleinement les lieux qui doivent nourrir la vie », a-t-il martelé, en faisant notamment allusion aux défis spatiaux, environnementaux, démographiques et sécuritaires qui interpellent « les villes africaines, actuelles et futures ».
Il a insisté sur la nécessité d'une « planification urbaine adéquate », au regard des « statistiques galopantes des villes africaines, qui vont concentrer plus de la moitié de la population du continent d'ici à 2030 ».
« En 2030, Lagos (Nigéria) comptera 25 millions d'habitants, Kinshasa 16 millions (Congo), Le Caire (Egypte) 14 millions et Dakar (Sénégal) 7 millions », a-t-il laissé entendre.