Le Réseau des Organisations de la société civile intervenant dans le domaine des finances (ROSC-FP) a animé une conférence de presse le lundi 16 décembre 2024, à Ouagadougou, au cours de laquelle, il a présenté son analyse citoyenne du projet de budget de l'Etat qui sera adopté par l'Assemblée législative de transition, les prochains jours.
Comme les années précédentes, le Réseau des Organisations de la société civile intervenant dans le domaine des finances (ROSC-FP) s'est encore prêté à sa traditionnelle analyse citoyenne du budget de l'Etat, avant son adoption par la représentation nationale. Cette année, les résultats de cette lecture alternative, produite en partenariat avec International Budget Partnership, a été présenté aux hommes et femmes de médias, au cours d'un point de presse animé par le réseau le lundi 16 décembre, à Ouagadougou.
« Le budget de l'État, exercice 2025 est arrêté en recettes à 3 129,8 milliards FCFA et en dépenses à 3 593,9 milliards FCFA avec un déficit budgétaire (besoin de financement) de 464,1 milliards FCFA. Ce gap de financement du budget 2025 représentant 13% des dépenses budgétaires de 2025 sera couvert par les ressources de trésorerie de l'État et l'endettement à coût raisonnable », a indiqué le porte-parole du ROSC-FP, Hermann Doanio.
De l'analyse des grandes composantes de recettes, il ressort que les recettes propres de budget 2025 sont estimées à 2 941,99 milliards de FCFA, soit 94% des recettes totales de 2025, contre des recettes extraordinaires de 187,79 milliards de FCFA représentant 6% des recettes totales. « Cette situation illustrant la prédominance des recettes propres est à saluer », a souligné Mr Doanio.
Pour ce qui est des dépenses, elles sont dominées par des dépenses courantes, estimées à 2 387,84 milliards F CFA, soit 66,44% des dépenses totales de l'État en 2025. Pour les conférenciers du jour, cette part importante des dépenses courantes limite les capacités de l'État à financer les dépenses d'investissement sur ressources propres. En effet, en 2025, 554,15 milliards F CFA de recettes propres vont servir à financer les d'investissements de l'Etat ; cela représentant une couverture de 46% des besoins d'investissement du pays pour l'exercice considéré.
Promouvoir une mobilisation optimale des ressources internes
Cette proportion des ressources propres allouée aux investissements est saluée par le Réseau, car elle rompt avec la dépendance vis-à-vis des financements extérieurs. « Toutefois, invite est faite aux autorités de poursuivre les efforts de développement des initiatives novatrices pour une mobilisation optimale des ressources internes en vue de relever le taux d'investissements », a-t-il suggéré.
Les dépenses de personnel augmentent d'année en année, et en 2025, elles représentent 53,37% des dépenses courantes, 35,46% des dépenses totales et 43,32% des recettes propres.
Face à un tel constat, il y a lieu d'assurer une exploitation optimale du potentiel fiscal du pays afin de baisser la part consacrée à ce poste de dépenses ; mais aussi de réformer l'administration publique pour plus d'efficacité et d'efficience. S'agissant du train de vie de l'État, il va absorber en 2025, environ 7% des dépenses totales du budget et 10,44% des dépenses courantes. Cette analyse citoyenne du Budget montre également que les investissements exécutés par l'État seront financés par lui-même à hauteur de 778,3 milliards F CFA, soit 64,53% des dépenses d'investissement. Les ressources propres vont couvriront 71,2% des dépenses d'investissements financées par l'Etat lui-même ; ce qui laisse un reste à mobiliser de l'ordre de 224,15 milliards F CFA.
Sur les dépenses d'investissement à exécuter par l'Etat lui-même, estimées à 1 191 milliards de F CFA, 76%, soit 905,00 milliards de F CFA, sont affectés au pilier 3 du Plan d'action pour la stabilisation et le développement (PA-SD), à savoir la refondation de l'Etat et l'amélioration de la gouvernance.
Le pilier 1 (lutte contre le terrorisme et la restauration de l'intégrité du territoire) reçoit 18,49% des dépenses d'investissement, représentant 20,20 milliards F CFA en 2025. Quand au pilier 2, il lui est alloué 5,52% des dépenses d'investissement, soit 65,8 milliards F CFA, pour la réponse à la crise humanitaire. Avec zéro investissement prévu pour le pilier 4 consacré à la réconciliation nationale et la cohésion sociale.
Pour ce qui concerne l'allocation sectorielle des ressources budgétaires, l'analyse de la société civile montre que les secteurs sociaux de base (santé, éducation, environnement, eau potable, assainissement, protection sociale, Agriculture), y compris la sécurité, reçoivent une dotation budgétaire globale de 2 382,672 milliards F CFA, soit 61,03%. Le secteur de l'éduction vient en tête avec 774,676 milliards de francs CFA, soit 19,84% du budget 2025.
Imposer les grands producteurs agricoles, les grands éleveurs
Il est suivi par la santé, avec 392,979 milliards F CFA (10,07%,), l'« environnement, eau et assainissement », qui bénéficie de 175,306 milliards de francs CFA (4,49%) et le secteur agropastoral, doté de 157,175 milliards F CFA, soit 4,03%. Le secteur de la protection sociale reçoit 1,91% des dépenses totales du budget 2025, équivalent à un montant de 74,110 milliards F CFA. Enfin, 20,71% du budget de l'Etat sera affecté au secteur de la sécurité en 2025.
Ces dotations sectorielles sont deçà des engagements internationaux de l'Etat burkinabè qui recommandent que 15% de son budget national soit alloué à la santé, 10% à l'agriculture. Pour une meilleure exécution budgétaire, cette analyse citoyenne du ROSC-FP est assortie de recommandation. Il s'agit, entre autres, de la nécessité d'imposer les grands producteurs agricoles et des grands éleveurs et les agences immobilières qui gèrent souvent des baux locatifs pour les particuliers, d'intégrer la possibilité pour le contribuable rural de payer en nature (céréales ou animaux), de rationaliser les avantages fiscaux ou mesures fiscales dérogatoires en faveur du secteur minier.
Le Réseau a également recommandé la rationalisation des ateliers / missions, la rationalisation de l'acquisition des véhicules pour l'administration par une gestion plus rigoureuse du parc automobile de l'État, la mise en place du parc des experts et officiels dédié aux déplacements des personnalités de l'État, la réduction des cortèges officielles, la rationalisation des charges de fonctionnement des EPE / EPA et sociétés d'Etat.
Au titre des priorités nationales, recommandation a été faite d'assurer une dotation conséquente au profit du Caisse Nationale d'Assurance Maladie Universelle (CNAMU) pour permettre la prise en charge effective des personnes vulnérables, la mise en oeuvre effective de la stratégie de réconciliation nationale et de promotion de la cohésion sociale, l'accroissement des parts budgétaires des secteurs sociaux (santé, éducation, AEPA, agriculture, protection sociale), le renforcement de la transparence et la redevabilité dans la gestion des fonds alloués aux secteurs prioritaires (sécurité et défense, santé, éducation, eau et assainissement, agriculture) et l'amélioration de l'accès aux données budgétaires ouvertes pour faciliter le suivi par les OSC, l'apurement de la dette intérieure afin de dynamiser les entreprises et renforcer leurs capacités d'investissement, etc.