Burkina Faso: Trois milliards, quatre lascars, point barre !

20 Décembre 2024

Nous avons suivi le procès avec quelques excès de fièvre. Nous avons transformé nos ulcères en abcès. Nous avons par moments failli perdre le souffle, le goût d'être Burkinabè. Nous avons eu honte de nous-mêmes. Nous avons souffert de bout en bout de toutes ces vérités qui blessent.

Nous avons eu le coeur gros comme une bombe dans la gorge. Et dire que ce procès n'est que le sommet de l'iceberg d'un océan de requins blancs ! Mais que dire de plus dans un pays comme le « Gondwana » où en temps de paix des citoyens hors pairs ont du haut de leurs impairs, célébré leur milliard en narguant les bagnards et en se promettant de faire mieux. Et dire que nous ne sommes qu'à l'entrée du tunnel dans un pays où les scandales économiques défilent en sandales dans les couloirs des mouroirs de dossiers pendants pendus dans les tiroirs des dortoirs de l'histoire. Et dire que tout ceci n'est que l'infime partie du tout inquiétant de notre cher Faso.

Le chaos tant conjuré n'est que le fruit de nos serments parjurés, la sanction de nos intentions hérétiques, l'écho de nos égos perso, bref, la réponse à nos funestes prières. Sinon, comment comprendre que dans un pays lâchement agressé par de lugubres personnages, nous Burkinabè, nous nous adonnions à l'autodestruction ? Comment peut-on justifier que par-delà l'agonie des populations attaquées et tuées, des Burkinabè usent bassement de leur lopin de pouvoir pour s'accaparer les maigres pourboires d'un espoir en pointillé, sans gloire ? Mais trois milliards, c'est quand même le millième du budget du Burkina Faso ; c'est de l'argent qui aurait pu redonner vie aux âmes enfouies de nos hécatombes. Trois milliards, c'est mille millions trois fois, détournés sans foi ni loi et réinvesti dans des projets de mauvais aloi.

Il y a de quoi perdre son sang-froid et crier à la croix ou à la potence ! On peut détourner trois milliards pour ensuite se retourner vers Dieu et Lui rendre grâce pour le butin du destin mais c'est tout sauf divin ! Si seulement on pouvait faire du bien avec de l'argent sale, mal acquis, non béni, plutôt banni !

Ainsi donc, c'est finalement un « grand » réseau de deux binômes indélicats commis audacieux qui ont piloté l'opération «Trois milliards », sans complicité avérée de qui qui que ce soit ; sans la moindre connexion qui fâche. C'est finalement quatre vaillants mousquetaires qui ont fait le grand saut périlleux dans le trou en or du trésor qui dort. On est mort ! C'est le comble des scores pour des matadors aux allures de conquistadors aux prises avec les griffes du karma. On pourrait convenir avec le sage que celui qui s'allonge sur le dos pour cracher reçoit à coup sûr son crachat sur la poitrine. Même la science dit que rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Souvent, c'est une question de temps et seul le temps nous dira l'épilogue de ce feuilleton à deux tons.

La leçon à retenir pourrait être celle du tocard qui brûle la politesse au lascar favori qui se joue l'érudit dès la ligne de départ. La leçon, c'est aussi celle qui sous-tend que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ; on ne récolte que ce qu'on a semé. Mais

à qui la faute ? La faute est à l'autorité qui nomme par convenance et avec complaisance, voire par connivence sans avoir à subir ou à assumer les conséquences directes de son acte qui n'est rien d'autre qu'un pacte. La faute est à la hiérarchie directe parfois prise au piège du subalterne dont la force de frappe en termes de nuisance est parfois plus forte que le droit. Comme dit l'adage, quand vous avez un moustique sur vos bijoux intimes, le dilemme est total : soit vous le tapez avec les bijoux et avec le risque de casser des oeufs, soit vous le négocier en le caressant s'il le faut, pour qu'il soit raisonnable et renoncer à la saignée. Du reste, cette chronique n'est ni une plaidoirie ni un réquisitoire. Elle reste convaincue que le sac de piment même vide peut toujours faire éternuer plus d'un tout autour.

En attendant que l'administration publique revoie sa copie pour répondre aux critères plutôt de probité que de modernité, il faut reconnaitre que la lutte contre la corruption est d'abord une lutte personnelle. Chacun doit s'y impliquer avec la nette conviction que l'intégrité n'a de prix que sa valeur inestimable. Et notre système éducatif doit venir à la rescousse pour faire de notre école une véritable institution citoyenne dont la vocation sera de construire des hommes dignes. Le cocon familial ne doit plus être une cour de récréation où parents et enfants sont égaux devant leurs bêtises et ne s'en émeuvent que devant un tribunal ou derrière les barreaux d'une prison.

C'est indignant pour un homme qui a palpé des milliards de se retrouver dans le box des accusés d'un prétoire de déboire. C'est déshonorant pour un père de famille, naguère respecté et même craint de se retrouver sous les feux de la rampe devant un tribunal pour des infractions dont la qualification colle à la peau : vol, faux et usage de faux, malhonnêteté, délinquance, etc. La lutte contre la corruption n'est pas une lutte de corporation dédiée à une catégorie de personnes. Elle est et doit être le combat de tous car même ceux qui semblent en profiter ne sont en vérité que de pauvres perdants devant l'histoire qui rattrape toujours.

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