Afrique: Dignité et respect dans les services publics - Facteur invisible de l'engagement mondial de ne laisser personne pour compte

18 Décembre 2024

Les jeunes et les personnes pauvres sont particulièrement susceptibles de rencontrer des difficultés et un traitement irrespectueux.

Key findings

  • En moyenne, à travers 39 pays, presque six Africains sur 10 (58%) déclarent avoir eu affaire à un centre de santé public au cours de l'année précédente.
  • Presque la moitié (45%) des répondants affirment avoir sollicité l'aide de la police, avoir rencontré la police dans d'autres situations, ou les deux.
  • Un tiers des répondants disent avoir contacté une école publique (34%) et un organisme gouvernemental délivrant des documents d'identité tels que des actes de naissance et des permis de conduire (33%).
  • Environ la moitié (49%) des personnes qui ont demandé des pièces d'identité déclarent qu'il leur a été « difficile » ou « très difficile » de les obtenir.
  • Plus de quatre répondants sur 10 (45%) ayant sollicité des soins de santé et une assistance policière (46%) déclarent qu'il leur a été difficile d'obtenir les services dont ils avaient besoin.
  • L'accès aux services scolaires publics a été plus facile, un quart (26%) disent quand même avoir rencontré des difficultés.
  • Environ quatre citoyens sur 10 (39%) qui ont demandé un document officiel d'identité affirment avoir été traités avec peu ou pas de respect par les agents publics.
  • Environ un tiers (36%) des Africains qui ont sollicité des services médicaux disent ne s'être pas sentis respectés, de même que 26% de ceux qui ont contacté une école publique.
  • Un tiers (34%) des répondants déclarent que la police de leur pays agit « rarement » ou « jamais » de manière professionnelle et respecte les droits de tous les citoyens.
  • Les jeunes et les citoyens pauvres sont particulièrement susceptibles de signaler des difficultés à obtenir des services ainsi qu'un traitement irrespectueux de la part des prestataires de services.
  • Les répondants qui ont ressenti un manque de respect de la part des agents des services publics sont plus susceptibles de ne pas faire confiance aux représentants du gouvernement et de désapprouver leur performance. Ils sont aussi moins susceptibles d'être satisfaits du fonctionnement de la démocratie dans leur pays et moins disposés à soutenir la démocratie comme forme de gouvernement.

La Charte Africaine sur les Valeurs et Principes du Service Public et de l'Administration reconnaît la dignité et le respect comme des éléments fondamentaux du service public et de l'administration. L'Article 4 de la charte stipule que « le service public et l'administration ainsi que leurs agents doivent respecter les droits de l'homme, la dignité et l'intégrité de tous les usagers » (Union Africaine, 2011). L'Article 7 appelle les administrateurs du service public et les fonctionnaires en contact avec le public à fixer et à respecter des délais pour la fourniture du service public, à adapter la fourniture du service aux besoins des usagers et à promouvoir la confiance entre les fonctionnaires en contact avec le public et les usagers du service. La charte établit donc un modèle pour une administration publique africaine qui ne se contente pas de répondre aux besoins des citoyens, mais qui défend également leur dignité et leurs droits, en veillant à ce que le respect soit au coeur de la prestation des services publics.

Sur l'ensemble du continent, les constitutions nationales ainsi que les documents et dispositifs politiques relatifs aux droits de l'homme incluent des dispositions visant à promouvoir le respect et le traitement décent des personnes qui sollicitent et recourent aux services publics. Par exemple, la loi-cadre sud-africaine sur la professionnalisation du secteur public stipule que « le respect, la dignité, l'intégrité, la courtoisie, l'égalité de traitement et la non discrimination sont autant d'éléments de la conduite professionnelle » (République d'Afrique du Sud, 2022, p. 28).

Les référentiels mondiaux sur le développement et les droits de l'homme, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies, reconnaissent le respect de la dignité humaine comme une valeur universelle à faire valoir en toutes circonstances. L'intégration de cette valeur et d'autres valeurs universelles dans la mise en oeuvre des ODD est considérée comme une condition nécessaire pour que les Etats membres puissent atteindre les objectifs de 2030 et tenir la promesse de « ne laisser personne pour compte ».

Dans quelle mesure les gouvernements africains respectent-ils cette valeur universelle ? Concrètement, les citoyens ont-ils facilement ou difficilement accès aux services publics ? Les Africains ont-ils le sentiment d'être traités avec dignité et respect quand ils sollicitent les services publics ? Comment les expériences des citoyens en matière de services publics impactent-elles leurs attitudes vis-à-vis des dirigeants élus, des fonctionnaires et des institutions de gouvernance ? Pour répondre à ces questions, nous nous appuyons sur les données des enquêtes du Round 9 d'Afrobarometer, réalisées entre fin 2021 et mi-2023.

A travers les 39 pays sondés, un grand nombre d'Africains déclarent avoir eu affaire à des centres de santé publics, à des écoles publiques, à des services qui délivrent des pièces d'identité et à la police au cours des 12 mois qui ont précédé l'enquête. Mais pour beaucoup d'entre eux, l'accès à ces services n'a pas été facile, et une importante minorité de personnes affirment n'avoir pas été traitées avec respect. La dénonciation du manque de respect est particulièrement fréquente parmi les jeunes et les citoyens pauvres.

Outre l'impact probable du manque de respect sur la dignité des personnes et leur propension à recourir aux principaux services publics, l'analyse des données montre que le manque de respect de la part des agents des services publics est corrélé à une vision plus négative de tous les niveaux de gouvernement et de la démocratie elle-même.

Joseph Asunka Joseph Asunka is the chief executive officer at Afrobarometer.

Alfred Kwadzo Torsu Alfred Kwadzo Torsu is the Data Analytics Lead at Afrobarometer, where he focuses on using data to guide and shape effective policies.

Josephine Appiah-Nyamekye Sanny Josephine is Afrobarometer's director of communications.

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