Coincé entre la phrase "quelques exemples de projets qui fleurissent aux quatre coins du pays" et l'exhortation "Notre belle République Démocratique du Congo poursuit sa marche en avant...", ce go passerait inaperçu. Pourtant, il pourrait s'avérer le message-clé du dernier discours en date de Félix Tshisekedi !
En toute logique, un discours sur l'état de la nation comprend une partie consacrée à rendre compte de la gouvernance institutionnelle depuis le dernier discours et une autre partie à faire des projections. En l'espèce, s'agissant de Félix Tshisekedi, le discours du 11 décembre 2024 devait passer en revue les projections du message sur l'état de la Nation du 14 novembre et du programme de la campagne électorale de 2023 ainsi que celles des programmes d'investiture du Président de la République et du Gouvernement Judith Suminwa en 2024. Soit quatre textes !
Réorganiser ses sources d'information
Y-a-t-il eu suivi ? Libre à chacun de se prononcer après les exemples suivants :
1. Projet du port en eaux profondes de Banana
Oublié dans le discours du 14 novembre 2023, ce projet n'est pas évoqué dans celui du 11 décembre 2024. Pourtant, avec tout ce qui se dit autour du «Corridor de Lobito», le Président de la République aurait dû aborder ce sujet, ne serait-ce que pour rassurer les Congolais.
2. Zones Spéciales Economiques.
Dans le discours du 14 novembre 2023, Félix Tshisekedi déclare exactement ceci : « La matérialisation des ZES a été rendue effective par l'inauguration de la première usine de production des carreaux et faïences 'made in Congo' dans la zone économique de Maluku pour l'approvisionnement de la ville de Kinshasa et de ses environs. Ces ZES d'une superficie totale de 880 hectares compte, pour le moment, six entreprises agréées pour la production de divers biens ou encore de produits alimentaires ». Dans le discours du 11 décembre 2024, il se limite, s'agissant de cette zone, à noter la mise en activité de l'usine de fabrication des carreaux et faïence et de l'usine de production de la gamme Pepsi Cola. Pas un mot sur les 4 autres projets. Mieux, aucune allusion à un quelconque investissement dans 5 des 6 ZSE annoncées en 2019 et réparties selon la configuration des 6 provinces du Congo Belge.
3. Centrales électriques de Tubi Tubidi et de Muovo
Dans le discours sur l'état de la nation du 14 novembre 2023, le Président de la République affirme : « L'inauguration dans les prochains jours des lignes de transport et réseau de distribution de la centrale de Tubi Tubidi et la centrale de Muovo qui permettra l'électrification des villes et agglomérations du Kasaï Central_ ». En 2024, il se contente de dire : « La mise en charge des lignes de transport et réseau de distribution de la centrale de Tubi Tubidi et la centrale de Muovo pour l'électrification de Biya, Miabi, Katende, Kabeya-Kamwanga et amélioration de la desserre dans la ville de Mbuji-Mayi ».
Aucune allusion à la promesse d'inauguration.
4. Création de 6.400.000 emplois jeunes.
Le 3 avril 2024, à l'ouverture des travaux de matinée de l'emploi organisée par l'Onem (Office national de l'emploi), le Chef de l'Etat prend cet engagement pour son second quinquennat. Dans le discours sur l'état de la nation du 11 décembre, pas un mot sur cette question après la «vérité de Kalemie» ayant refroidi l'enthousiasme de la jeunesse de Tanganyika en particulier, de la jeunesse congolaise en général. Effectivement, l'État ne crée pas d'emplois. Il crée seulement les conditions qui les favorisent. Notamment la sécurité juridique et judiciaire pour les investisseurs qui, du reste, n'aiment pas le bruit des bottes.
5. Réhabilitation des 38.000 km des routes de desserte agricole.
« Pour l'année 2025, avec le Gouvernement, je m'engage à : réhabiliter 38.000 km de routes de desserte agricole prévus dans le PDL-145 T et de 11.423 km de routes prioritaires supplémentaires en un an », dit Félix Tshisekedi. Or, le 14 novembre 2013, il s'était engagé « également à réhabiliter et à entretenir 10.000 kilomètres de routes de desserte agricole par an à travers les 145 territoires en guise d'alignement à l'initiative présidentielle prioritaire concernant les routes de desserte agricole du PDL 145 T ». Pas un mot sur le premier engagement.
Absence justement de coordination, donc de suivi
A la lumière de ce quelques exemples, entendre le Président de la République se satisfaire des actions menées jusque-là et dire aux Congolais « ce n'est que le début » pourrait faire croire à d'aucuns que depuis janvier 2019, c'est seulement maintenant, en 2024, que les bonnes choses commencent pour le Congo. Preuve de la remise en question, par lui-même, du bilan positif du mandat 2018-2023, aveu tacite que les « acquis à préserver » ne concernaient que vaguement "Le Peuple D'abord".
A dire vrai, le problème réel auquel est confronté le régime Udps/Usn est que des mains inexpertes (tous domaines confondus) développent dans la gouvernance institutionnelle l'esprit « BNB » (Bord Na Biso) et « TNB » (Tour Na Biso) sur fond de « TO » (Tosa Obika), anéantissant l'effort de vigilance dans le chef des certains "communicateurs".
Ces mains sont parvenues non seulement à réduire tous les autres Alliés (MLC, UNC, AFDC, transfuges FCC) à la figuration, mais aussi à les exposer de vouloir piéger Félix Tshisekedi. Ceci en aval.
En amont, il y a un sérieux problème de connexion entre différentes structures spécialisées de la Présidence de la République, particulièrement au niveau des collèges et à celui des services spécialisés.
En toute logique, un projet de discours sur l'état de la Nation ne peut atterrir sur la table du Chef de l'Etat que lorsque des éléments en provenance des ministères, via le cabinet du Premier ministre, sont passés au peigne fin par ces collèges et services, sous la coordination du CPVS (Conseil Présidentiel de Veille Stratégique).
Aussi, au regard des exemples repris ci-dessus, s'il est un fait à déplorer, c'est celui d'absence justement de coordination, donc de suivi. D'où l'impression que donne Félix Tshisekedi d'être toujours dans des promesses pendant qu'il est attendu sur le terrain de : "J'ai promis, j'ai réalisé !". Ou aussi : "J'ai promis, je n'ai pas réalisé à cause de...".