Ile Maurice: La souveraineté à l'épreuve du XXIe siècle

23 Décembre 2024

Dans le monde contemporain, le concept de souveraineté est devenu une notion à la fois fluide et litigieuse, soulevant des questions fondamentales sur l'équilibre entre intérêts nationaux et coopération internationale. Maurice ne cesse de clamer «sa» souveraineté pleine et entière sur ses 2,3 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive. Et ce, dans un contexte où la souveraineté étatique est constamment redéfinie face aux défis transnationaux.

Quelle est, en effet, la place de la souveraineté dans un monde confronté à des crises multiples, à des pandémies mondiales, au changement climatique, ainsi qu'à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment de capitaux ? Cette interrogation prend tout son sens à l'aune des limites structurelles et fonctionnelles de l'ONU.

La fin de la Guerre froide et la mondialisation subséquente ont remodelé l'ordre mondial, souvent au détriment des petites nations comme Maurice. L'exemple du Brexit illustre les dilemmes d'un État cherchant à retrouver une autonomie politique et économique tout en se retrouvant fragilisé face aux géants économiques que sont la Chine, l'Inde et les États-Unis.

Dans cette dynamique, la question de l'archipel des Chagos révèle la complexité des rapports entre histoire, politique et droit dans la définition de la souveraineté. Malgré les victoires diplomatiques remportées par Maurice devant la Cour internationale de justice (CIJ) et l'Assemblée générale des Nations Unies, la situation politique reste en suspens, mettant en lumière les limites des mécanismes de gouvernance mondiale et du droit international pour résoudre de tels différends.

Comme l'a souvent souligné Kishore Mahbubani, ancien président du Conseil de sécurité des Nations Unies, l'incapacité des instances multilatérales à traiter efficacement des conflits majeurs - de la guerre en Ukraine à l'ascension géopolitique de l'Asie - impose une réflexion critique sur la souveraineté au XXIe siècle.

Le Traité de Westphalie de 1648, qui a érigé les principes d'égalité entre États, de non-intervention et d'intégrité territoriale, est aujourd'hui mis à rude épreuve par la supranationalité, la mondialisation et l'intervention humanitaire. L'essor d'acteurs non étatiques - du terrorisme international au militantisme climatique - et la montée en puissance des organisations intergouvernementales (OIG) et non gouvernementales (ONG) ont considérablement érodé le paradigme westphalien.

D'une part, la souveraineté est renforcée lorsqu'un État exerce ses prérogatives dans des espaces stratégiques, tels que les zones économiques exclusives. D'autre part, elle est contournée ou limitée lorsqu'il s'agit d'honorer des engagements internationaux en matière de droits de l'homme ou de sécurité collective.

L'histoire contemporaine de l'impérialisme et de la décolonisation après la Première Guerre mondiale continue d'influencer la géopolitique mondiale. La fragmentation de l'Union soviétique a donné naissance à quinze nouveaux États, illustrant la manière dont la souveraineté peut être instrumentalisée pour consolider ou redessiner des frontières nationales.

Ce précédent résonne particulièrement avec les revendications sur Diego Garcia et Agalega. Ces territoires, au coeur d'enjeux géopolitiques majeurs, incarnent la tension entre les aspirations à l'autodétermination et les impératifs stratégiques des puissances mondiales.

Face aux défis existentiels posés par le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources naturelles et la montée des pandémies, Maurice ne peut se contenter d'une souveraineté défensive. Elle doit adopter une souveraineté proactive, combinant autonomie stratégique et interdépendance internationale.

Cela passe par un renforcement de la gouvernance régionale dans l'océan Indien et par une diplomatie agile, capable de défendre les intérêts nationaux tout en participant activement à l'architecture de sécurité collective. Maurice devra aussi s'appuyer sur les mécanismes juridiques internationaux, comme la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), pour consolider sa position dans les litiges territoriaux.

Le XXIe siècle impose une lecture renouvelée de la souveraineté, qui ne saurait se limiter à la préservation des frontières ou à la défense d'un héritage historique.

La souveraineté n'est pas un absolu, mais un instrument évolutif. Le défi pour Maurice sera d'en faire un levier d'innovation politique et économique tout en affirmant ses droits fondamentaux. Diego Garcia et Agalega ne sont pas seulement des revendications territoriales - ils sont des symboles d'une souveraineté moderne, consciente de sa responsabilité dans un monde interdépendant.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.