Au début de la saison 2024, nul ne se doutait que l'Alpine allait terminer son baptême, en champion. L'équipage Thierry Duvivier - Fréderic Nokiah a mené son Alpine 110S vers le sommet du championnat en quelques mois.
Pour la dernière course de la saison, vous terminez encore par une victoire. Sans fausse modestie, était-elle attendue ?
En toute honnêteté, on ne venait pas pour faire dans la dentelle. Parce que nous sommes des compétiteurs, on vient pour aligner la meilleure performance jusqu'au bout, bien que le championnat était sécurisé dès la quatrième épreuve. On s'attendait à avoir une concurrence plus acharnée pour ce dernier rallye avec Xavier (Ndlr : Lachkar), Thierry (Collard) et Ritesh (Ramdarshan) qui luttaient pour la deuxième place au championnat. Je sais que Xavier et Thierry étaient particulièrement affûtés et Ritesh avait une deuxième place au championnat à défendre, donc je m'attendais à ce que ce trio hausse le ton. Je m'attendais à ce que le podium soit très serré, avec une lutte jusqu'aux dernières spéciales. On ne pensait pas dominer ce rallye.
Vous connaissiez le potentiel de l'Alpine, mais est-ce que vous-vous attendiez à des résultats aussi vite ?
Je ne connaissais le potentiel que par des reviews. Nous avons reçu la livraison de la voiture le 14 février et n'avions parcouru que 50 à 60 km avant de la «désosser»* pour la préparation de l'auto. La prise en main de la voiture ne s'est faite que le jour du premier rallye. On s'était fixé comme objectifs, avec la team «TRT Maurice» que l'année 2024 nous permette de développer cette voiture et la faire évoluer au fil des rallyes. Nous avions un plan précis en tête, mais nous savions que c'était quelque chose de totalement nouveau pour toute l'équipe.
Il faut comprendre que le projet de développement de cette voiture est totalement inédit, puisque cette voiture existe en version course développée par une écurie professionnelle, Signatech, avec de la recherche et développement de pièces très spécifiques.
Nous n'avons pas les mêmes moyens et pas les mêmes contextes de spéciales. C'est une voiture qui est complètement différente et moins performante que l'Alpine RGT et l'Alpine GT Plus qui sont des voitures de course.
Donc l'objectif était clairement établi avec tous nos partenaires qu'on se donnait jusqu'à la fin de saison, jusqu'au dernier rallye, pour accrocher une place sur le podium et se battre pour une victoire de rallye. Finalement, les objectifs ont été clairement revus dès le début, puisque dès le premier rallye, on a quand même été très à l'aise avec l'auto. La préparation que nous avions prévue pour le premier rallye nous a permis d'être directement en confiance avec l'auto. En tant que pilote, il a fallu réadapter mon style de conduite, mais ça s'est fait de manière naturelle. J'ai retrouvé des sensations de quand je roulais dans les années 2 000 en karting. Les automatismes sont revenus pour s'adapter à cette voiture de manière quasi-naturelle. Dès le premier rallye, on était largement dans le coup ce qui nous a permis de revoir notre stratégie et nos plans pour faire évoluer la voiture en cours de saison. Les résultats ont suivi, mais on a pris chaque ral- lye, pas par pas et ce n'est qu'au bout du troisième rallye qu'on s'est positionnés par rapport au champion- nat et qu'on y a pensé plus sérieusement.
Credit photos : Kounal Gopaul
Est-ce qu'il y a encore des améliorations sur la voiture, sachant que vous battez déjà votre plus proche poursuivant par une seconde au kilomètre...
On est à une seconde, voire une seconde et demie au kilomètre des plus proches adversaires et ce depuis le début. À part un rallye où on avait fait des évolutions sur l'amortisseur et il nous fallait rouler pour les mettre au point. On avait un plan d'évolution et on va maintenir notre plan. La seule chose, c'est qu'on l'a légèrement différé. Ces évolutions moteurs et boîte de vitesse vont être réalisées dans un objectif premier de conserver la fiabilité de l'auto puisque nous avons une marque qui nous soutient et une équipe TRT très professionnelle. La clé dans la réussite des rallyes, ce n'est pas que la recherche de la performance, de la puissance, etc, mais c'est de rendre le véhicule efficace et fiable. Je pense qu'en 2024 on a pu relever ce défi avec une voiture de série, transformée de toute pièce par la TRT. On a pu rendre un véhicule de série, fiable et efficace, pour une utilisation rallye. On a moins de chevaux que la voiture d'origine par rapport à la bride et le but c'était d'exploiter les chevaux disponibles plutôt que d'aller mettre plus de chevaux dans la voiture au risque de diminuer sa performance et sa fiabilité. On a privilégié l'efficacité du châssis et le passage de la puissance au sol et les ré- sultats payent.
C'est votre première saison avec votre co-pilote, comment s'est passée l'entente dans l'habitacle ?
Pour être exact, ça fait une saison et demi que Fréderic m'a rejoint, puisque mon ancien co-pilote a eu des soucis personnels. À la base, il devait faire un remplacement. Ça nous a pris quelques rallyes pour se comprendre et s'adapter bien qu'on se connaissait déjà très bien. Nous sommes tous les deux très pointilleux et méticuleux dans ce qu'on fait. Il a fallu pouvoir s'accorder, que Frédéric puisse comprendre mon système de note puisqu'il avait déjà une expérience du rally il y a plusieurs années. Il a fallu s'adapter et trouver le rythme pour créer cette symbiose dans l'habitacle.
Ça nous a pris deux rallyes l'année dernière dans la 206 pour trouver cette osmose, que ce soit dans la prise de notes et leur modification ou l'analyse des vidéos. Ça nous a été bénéfique cette saison puisqu'on a démarré avec une nouvelle voiture. On a pris le temps nécessaire pour travailler parce que je suis un pilote qui roule aux notes parce que ça ne fait que deux ans et demi que je fais du rallye. C'est très important en rallye de pouvoir rouler aux notes et en fonction de l'état des routes, il faut s'adapter. J'ai un retour important de Fred de par son expérience en automobile. On se complète vraiment. Cette symbiose m'a été bénéfique lors du dernier rallye. Lors de ma première spéciale, je n'étais pas vraiment concentré. Et Fred a su me motiver. Avec l'assistance, Fred et moi faisons des remontées d'infos. On se motive l'un et l'autre. C'est vraiment ce travail d'équipe, pilote, co-pilote et assistance. On s'inspire beaucoup de ce qui se fait par des professionnels.
Vous avez monté une équipe autour de vous, est-ce votre volonté d'arriver là où vous voulez ou c'est le «networking» qui a fait la différence dans le succès de cette équipe ?
L'équipe TRT a pris forme, il y a deux ans et demi de cela. C'est la première chose que j'ai voulue mettre en place après avoir eu l'idée de faire du rallye. Comme vous le savez, je baigne dans les sports mécaniques depuis 25 ans et il est primordial d'avoir une équipe autour de soi pour réussir. Seul, on n'arrive pas à grand-chose. Je crois au travail d'équipe, de par ma profession. J'ai mis l'équipe en place avant même de faire l'acquisition de ma première voiture de rallye.
L'équipe s'est construite avec un ami en particulier qui possède son garage. Ensuite, il y a eu des collègues de travail qui font partie de l'équipe de Leal. La sélection s'est faite sur la passion, tout simplement. En regroupant des passionnés autour d'un même projet et rêve commun, les résultats sont illimités et la motivation sera systématiquement au rendez-vous.
À partir de là, on a commencé avec la Peugeot 206 et c'était vraiment une aventure formidable dans la construction. On a ensuite eu le choix sur l'Alpine grâce au support de notre CEO, Monsieur Eric Leal, qui a cru en moi et notre projet. C'est une chance que nous avons eue qu'il ait mis une Alpine à notre disposition. On a provoqué les choses pour aller chercher cette chance. On a démontré qu'on était sérieux et je pense que M. Eric a tout simplement cru en notre projet et nous a fait confiance.
Le networking dans notre projet est quelque chose d'important parce que sans partenaire, un tel projet n'aurait jamais vu le jour. J'accorde une importance particulière à la recherche de partenaires. Et cela se fait de par le relationnel que je peux avoir avec tous. On les démarche, on leur présente le projet et on les fait adhérer à ce projet dans un but commun de pouvoir vivre notre passion à fond, mais aussi de pouvoir transpirer l'image de leur société. Je pense qu'en deux ans et demi, on a réussi de belles choses. On arrive à avoir une exposition qui est assez importante. Ils sont très satisfaits de ce que TRT leur apporte et je profite pour remercier chacun des partenaires, du plus petit au plus grand, puisqu'ils sont tous importants.
Que peut-on espérer de 2025, pour l'Alpine et pour Thierry Duvivier ?
Ce qu'on peut nous souhaiter avant 2025, c'est déjà un bon repos puisque depuis mi-février jusqu'au week-end dernier, on a tous consacré, beaucoup de temps après les heures de boulot et les week-ends au projet TRT-Alpine. Je sou- haite à toute mon équipe de prendre quelques semaines pour pouvoir se reposer avec leur famille et se ressourcer.
Ce qu'on peut nous souhaiter ensuite, c'est qu'on puisse réaliser nos évolutions en conservant son efficacité et sa fiabilité. Qu'on puisse conserver le dynamisme et le professionnalisme qu'on a pu mettre en place au sein de TRT. Qu'on puisse grandir avec nos partenaires afin de continuer à rouler dans de bonnes conditions et être au départ et à l'arrivée de chacune des spéciales. Et que l'on puisse défendre notre titre tout en prenant notre plaisir, comme on a pu le faire toute cette saison.
Pour finir, je souhaite remercier le MRC (Ndlr : Motor Racing Club) et leur souhaiter tout le meilleur de sorte à pouvoir continuer à oeuvrer pour nous permettre d'avoir de beaux rallyes avec pourquoi pas de nouvelles spéciales et encore des innovations dans les parcours. Je souhaite qu'on puisse attirer de nouvelles voitures.
Les bruits de couloir disent qu'il y a quelques équipages qui se mobilisent pour avoir des bolides un peu plus performants. Qu'ils soient locaux ou qu'ils viennent d'autres horizons, on ne demande que ça, puisque nous, on est là pour le plaisir de rouler et notre but n'est pas de rouler seul, mais de se tirer la bourre avec les copains sur les spéciales.
Qu'on ait une belle saison 2025 avec un public qui soit toujours aussi nombreux et avec autant d'engouement sur les bords des spéciales et sur les parcs fermés et parcs d'assistance. C'est ce qui nous motive de pousser un peu plus et d'aligner de telles performances. Bonnes fêtes de fin d'année et bonne année 2025 à tous !