À Madagascar, la commission bilatérale franco-malgache, mise sur pied dans le cadre des travaux de recherches autour des crânes royaux sakalava, doit rendre avant la fin de l'année son rapport. Un préalable avant que la France ne statue définitivement sur la restitution de ces restes humains à l'État malgache, des symboles de la résistance contre la colonisation. Des membres de cette commission scientifique mixte étaient présents ensemble sur l'île il y a quelques jours pour un colloque international autour du patrimoine malgache.
Elle est la toute première historienne à avoir commencé à travailler sur la question des restes humains provenant de Madagascar et conservés au sein de collections publiques françaises. Depuis 2008, la chercheuse française Klara Boyer-Rossol oeuvre pour retrouver le crâne du roi Toera, un roi malgache décapité en 1897 à Ambiky lors d'une attaque des troupes coloniales françaises. Des années de recherches à éplucher des archives coloniales dispersées pour essayer de reconstituer le contexte de collecte et retracer les itinéraires de ces ossements.
« La famille des descendants des rois m'a vraiment enjoint à travailler dessus. J'ai pu mener des premières enquêtes de terrain, réaliser des entretiens, tout en interrogeant l'absence, à Madagascar, de ces restes humains spoliés. Et puis, à mon retour en France en 2009, j'ai commencé au fur et à mesure à fouiller un petit peu dans les archives et à m'enquérir des inventaires des collections, notamment du Muséum d'histoire naturelle de Paris, et tenter de rechercher parmi les quelque 400 crânes et restes humains malgaches conservés dans les réserves du Musée de l'homme, d'identifier parmi ces restes humains le crâne du roi Toera », explique Klara Boyer-Rossol.
Respect des traditions malgaches
Si ce crâne est important pour le rituel du bain des reliques royales, qui célèbre tous les quatre ans ce roi devenu, au-delà de la côte ouest, un symbole de la résistance malgache à la colonisation, le rassemblement dans un même lieu des ossements d'un défunt, sur la Grande Île, est essentiel pour le respect des traditions et des croyances.
« Quelqu'un qui meurt en dehors de son Tanindrazana ("terre des ancêtres"), c'est quelque chose qui est inadmissible dans la culture malgache, souligne Bako Rasoarifetra, historienne et membre de la commission mixte scientifique. Donc si ces crânes reviennent, c'est une fierté pour toute la population malgache, et pas seulement pour les Sakalava. Parce que c'est considéré comme "quelqu'un qui revient au pays" ».
Un crâne a été identifié comme appartenant certainement au roi Toera. Impossible cependant de pouvoir l'attester à 100 %. « Que ce soit le bon ou pas, le fait qu'il soit un crâne pris dans un contexte de violences coloniales est suffisant pour qu'il soit restitué », martèle l'historienne Klara Boyer-Rossol.
« Permettre aux peuples de disposer de leur patrimoine »
De passage à Madagascar du 17 au 22 décembre pour renforcer la coopération muséale et patrimoniale entre la Grande Île et la France, Jean-Luc Martinez s'est confié sur le processus en cours autour de la restitution des crânes sakalava.
Selon cet ambassadeur de France pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, grâce au travail constructif réalisé par la commission scientifique franco-malgache, Madagascar devrait être le premier pays au monde à bénéficier du retour sur son sol de ces restes humains.
« La loi française de 2023 dit très précisément qu'il s'agit de redonner de la "dignité humaine" à ce qu'on appelle des restes humains. Pour les biens culturels, il s'agit aussi, conformément à tous les traités internationaux, de permettre aux peuples de disposer de leur patrimoine, précise Jean-Luc Martinez. Sur une dizaine de demandes faites à la France, il y en a huit qui concernent l'Afrique. Aujourd'hui, elles sont toutes en cours d'instruction. La démarche française, c'est d'associer les chercheurs des pays demandeurs, parce que ces questions sont délicates, mais il faut aussi laisser le temps de la science et aux scientifiques de se parler. »
Ces collections de restes humains ont été coupées de leurs archives. Du coup, on a perdu la mémoire et donc, il faut les identifier. C'est un travail lent, long, parfois peut-être impossible à faire. Mais ce travail de recherche doit être fait, avec sérieux, et c'est sur la base de ce rapport scientifique de fin décembre 2024 que, au premier trimestre 2025, la restitution sera possible.
Sarah Tétaud Le ministre de la Culture français devra donc soumettre un décret au Conseil d'État, pour acter définitivement le retour de ces crânes sacrés à Madagascar.