Dakar — Au fil des années, la déclaration de politique générale a fini de s'installer comme un rituel donnant souvent l'occasion de faire la comparaison des postures et faits marquants de son exercice par les différents chefs de gouvernement s'étant succédé à travers l'histoire politique du Sénégal.
L'ancien président de la République, Abdou Diouf (1981-2000) a été le premier à se prêter à l'exercice de la déclaration de politique générale le 10 mars 1970. Il était alors le Premier ministre nommé par le président Léopold Sédar Senghor, au pouvoir de 1960 à 1981.
Il serait difficile de ne pas évoquer la déclaration de politique générale du Premier ministre Mamadou Lamine Loum, en septembre 1998, marquant la fin du règne du régime socialiste et celle de Moustapha Niasse, en juillet 2000, qui a ouvert la première alternance politique au Sénégal.
Ces DPG sont souvent citées en référence de par leur tonalité et leur originalité.
"Jeter un pont sur le 21ème siècle ainsi que nous en avons l'ambition, c'est ouvrir une perspective nouvelle à notre pays et donner un sens aux sacrifices que nous avons consentis pendant plus de deux décennies", déclarait par exemple Mamadou Lamine Loum devant les députés.
Son successeur deux ans plus tard, Moustapha Niasse notait que son gouvernement s'était attelé à prendre à bras-le-corps les problèmes des Sénégalais, dans un esprit de cohésion et de solidarité.
Il évoquait aussi une série de réformes sans précédent dont l'objectif était de "libérer l'énergie créatrice" des Sénégalais, celle des plus jeunes en particulier.
"Premièrement, le Chef de l'État a pris la décision que soit fait un inventaire précis, objectif et sans complaisance de la situation de notre pays. Cet inventaire a débuté : il vise à mesurer les acquis, s'ils existent - et il est vrai qu'il en existe, - même si ces derniers sont limités et ont une incidence très relative sur l'exercice de correction et de redressement qui est entrepris actuellement", disait Moustapha Niasse.
Idrissa Seck, souvent présenté comme un grand tribun aimant agrémenter ses discours de références tirées dans la culture occidentale comme celle arabo-islamique, s'est aussi sacrifié à l'exercice en février 2003. Il avait aussi marqué les esprits par la tonalité et l'originalité de son discours à l'Assemblée nationale.
"La formidable aventure de la marche bleue donne de cet enseignement une manifestation parfaite, en style et en sens. Avec l'aide de Dieu, et sous la direction de celui (Abdoulaye Wade) qui, tour à tour objet de critique et sujet de fascination, épreuve après épreuve, échec après échec, jalon après jalon, a attendu, avec endurance, sans jamais perdre l'enthousiasme, l'avènement du changement le 19 mars 2000", déclamait l'ancien maire de Thiès dans son discours.
Poursuivant, il avait ajouté : »Me voici à nouveau, près de lui (Abdoulaye Wade), en cette position de confiance et d'autorité, chargé d'une nouvelle mission : celle d'organiser et de conduire la marche du Sénégal vers le développement économique, social et culturel".
"De mémoire, les DPG de Mamadou Lamine Loum, celles de Moustapha Niasse et d'Idrissa Seck m'ont plus marqué par leur tonalité et leur originalité. Le premier était le dernier sous le règne de Diouf et le second fut le premier chef du gouvernement après l'alternance", a commenté Elimane Haby Kane, le président du Think Thank Legs Africa.
Pour le sociologue, la DPG d'Idrissa Seck a surtout marqué par l'originalité et la théorisation des grappes de convergence et de la dichotomie entre le goorgorlu (débrouillardise) et le njublang (escroquerie)".
Professeur d'Histoire moderne et contemporaine à la Faculté des sciences et technologies de l'Education et de la Formation (Fastef ex. ENS), Mamadou Yéro Baldé cite également en exemple la déclaration de politique générale de Moustapha Niasse prononcée un jeudi 20 juillet 2000 dans un contexte d'alternance. « Bref les déclarations qui interviennent dans des moments de rupture sont toujours marquantes », a fait constater l'universitaire.
Il va sans dire que la nature de la dernière élection présidentielle et ses péripéties, la trajectoire politique de l'actuel Premier ministre tout comme celle du président de la République offrent, à coup sûr, à Ousmane Sonko de la matière thématique qui laisse supposer une déclaration de politique générale à caractère historique.