Mozambique: Evasion massive de prisonniers sur fond de crise postélectorale - Le pays sur des charbons ardents

Des prisonniers sont extraits de la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, Cameroun, le 23 juillet 2019 (Photo d'illustration )
26 Décembre 2024

Au Mozambique, plus de mille cinq cents détenus se sont évadés, le 25 décembre dernier, d'une prison de haute sécurité située à une quinzaine de kilomètres de la capitale, Maputo. Une évasion massive et spectaculaire qui interroge autant qu'elle inquiète au-delà même des frontières du pays. Non seulement au regard du timing de l'échappée des bagnards qui, selon de nombreuses sources, ont profité de la confusion liée aux manifestations de contestation électorale de l'opposition, pour prendre la poudre d'escampette.

Mais aussi au regard du profil des fugitifs au nombre desquels on compte de dangereux djihadistes qui se sont illustrés dans des violences dans la province du Cabo Delgado. C'est dire la gravité de la situation au Mozambique qui est plus que jamais sur des charbons ardents, avec ces dangereux malfaiteurs qui se retrouvent, du jour au lendemain, dans la nature, sur fond de crise politique qui n'en finit pas d'exacerber les tensions. Lesquelles tensions ont déjà laissé plus d'une centaine de morts sur le carreau, dans un contexte où les victimes du cyclone Chido qui a frappé le pays à la mi-décembre, avoisinent les mêmes chiffres apocalyptiques.

Il faut craindre que le Mozambique ne finisse par basculer dans une guerre civile

La question qui se pose est de savoir s'il faut établir un lien de causalité entre cette évasion spectaculaire de prisonniers et les manifestations de l'opposition qui ne veut pas se laisser conter fleurette et refuse de reconnaître la victoire du parti au pouvoir qu'elle accuse de fraudes massives. La question est d'autant plus fondée que cette évasion massive de prisonniers qui comporte encore de nombreuses zones d'ombres, intervient au lendemain de la confirmation des résultats de la présidentielle par la Cour constitutionnelle. Toujours est-il que l'on se demande encore si cela est dû à un manque de vigilance de la part des services de sécurité pénitentiaire ou si ces derniers ont été débordés.

L'autre interrogation est de savoir s'il faut y voir un acte de sabotage qui impliquerait éventuellement des complicités internes. Autant de questions qui sont d'autant plus sources d'inquiétudes que quelle que soit la raison, le problème reste entier. Et l'on peut craindre que le pays ne bascule, à tout moment, dans le chaos tant que ces individus dangereux resteront dans la nature.

En tout cas, au moment où nous tracions ces lignes, seulement une centaine et demie de fugitifs, selon la police, avaient été repris tandis que le bilan des affrontements avec le personnel pénitentiaire et les agents de sécurité, faisait état d'une trentaine de morts et une quinzaine de blessés. C'est dire si la situation reste encore fortement explosive dans ce pays lusophone d'Afrique australe. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le Mozambique qui est dans la tourmente depuis la proclamation des résultats de la présidentielle du 9 octobre dernier, est à une étape charnière de l'histoire du pays qui est dirigé depuis l'indépendance par le Frelimo, et sur lequel semble souffler un vent de changement.

Il appartient aux deux parties de savoir raison garder

Et l'opposition est d'autant plus confortée dans sa position que de nombreux observateurs étrangers au nombre desquels les Etats-Unis d'Amérique, ne manquent pas de stigmatiser « le manque de transparence » qui a caractérisé le scrutin. Autant dire que la situation reste encore fortement volatile au pays de Joaquim Chissano qui s'enfonce, chaque jour, un peu plus dans la crise. Et au regard des positions tranchées entre les protagonistes qui ne sont pas loin de se regarder en chiens de faïence, on se demande d'où viendra le salut pour le retour de la paix dans le pays.

En tout cas, à l'allure où vont les choses et au regard de l'intransigeance des deux parties, il faut craindre que le Mozambique ne finisse par basculer dans une guerre civile. C'est dire la nécessité de trouver au plus tôt, un médiateur pour tenter de désamorcer la bombe de cette crise en instaurant un cadre de dialogue entre les protagonistes. Pour le reste, il appartient aux deux parties de savoir raison garder et de mettre de l'eau dans leur vin à l'effet de parvenir à une solution négociée de la crise. Car, quels que soient les enjeux, personne ne sortirait gagnant d'un bras de fer qui viserait à brûler le pays. En tout état de cause, l'histoire a souvent montré que l'on sait toujours quand ce genre de crise commence, mais il est toujours difficile d'en déterminer l'ampleur et l'issue.

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