L'épreuve des urnes ne semble pas bénéfique pour les partis de l'opposition qui sortent de la dernière série électorale plus affaiblis que jamais, avec une plateforme présidentielle ultra-dominante.
Les élections communales et municipales de ce 11 décembre bouclaient pour de bon la boucle du cycle électoral ouvert par l'élection présidentielle du 16 novembre 2023, organisée dans un contexte politique tendu marqué par une vive contestation du régime par une frange de la population. L'opposition se trouve encore plus affaiblie à la sortie de ces élections qui ont vu la réélection du président Rajoelina pour un second mandat, la victoire écrasante de la plateforme présidentielle Isika rehetra miaraka amin'i Andry Rajoelina (IRMAR) aux élections législatives du mois de mai et les mêmes résultats se dessinent pour les communales et municipales du 11 décembre si on se réfère aux chiffres provisoires publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Désillusions
La déclaration de l'ancien président, Marc Ravalomanana, de ce lundi 23 décembre est plus que révélateur d'un système de parti et d'un système électoral en panne dans un pays comme Madagascar. « Avec tous les faits qui ont entouré les dernières élections, il est impossible d'avoir une alternance au pouvoir par les élections », a-t-il soutenu. En effet, depuis le mois d'octobre et de novembre de l'année 2023, l'opposition, animée par le Collectif des 11 candidats, une alliance éphémère de 11 candidats à l'élection présidentielle qui s'opposaient à l'éligibilité d'Andry Rajoelina, revendiquait l'assainissement du processus électoral en général afin d'avoir des élections plus crédibles.
Contre vents et marées, Andry Rajoelina est reconduit à la magistrature suprême à la grande désillusion du Collectif des candidats qui n'a pas survécu à sa première défaite et qui s'est scindée en deux plateformes avec la naissance du Firaisankina, regroupant les partis Tiako i Madagasikara (TIM) de l'ancien président Marc Ravalomanana, Hery vaovao ho an'i Madagasikara (HVM) de l'ancien président Hery Rajaonarimampianina, Tsara tahafina (TT) de Auguste Paraina, Antoko politika madio (APM) d'Alban Rakotoarisoa et du Pro-Siteny de Siteny Randrianasoloniaiko, et du Kôlekitifa an'ny Malagasy, regroupant le Malagasy miara-miainga (MMM) de Hajo Andrianainarivelo, le Tia tanindrazana (TT) de Tahina Razafinjoelina, le FMI-malagasy de Jean-Jacques Ratsietison, le Malagasy tonga saina (MTS) de Roland Ratsiraka et du Anjomara sy rivo-baovao (ARB) d'Andry Raobelina.
Parti hégémonique
Les élections législatives du 29 mai 2024 ne font que confirmer la position dominante de la plateforme présidentielle, donc de la victoire d'Andry Rajoelina à la présidentielle, mais surtout le recul de l'opposition. En ordre dispersé, celle-ci n'a pas fait le poids face à l'IRMAR qui a raflé la majorité des sièges à l'hémicycle de Tsimbazaza. Elle a d'ailleurs obtenu 84 sur les 163 sièges à pourvoir contre 22 pour le Firaisankina et 1 pour le Kôlekitifa. En tout cas, si l'IRMAR n'est pas un parti dominant, elle ressemble à un parti hégémonique, selon la définition de Giovanni Sartori (politologue italien).
D'après ses explications, un parti dominant est un parti qui gagne une série de mandats populaires consécutifs (au moins trois, selon Sartori) dans le cadre de véritables élections, soit des élections qui sont exemptes de fraudes majeures alors que des partis sont considérés comme hégémoniques, quand les élections sont organisées mais leur résultat l'est également. En effet, les partis de l'opposition ont crié aux fraudes massives et à un hold-up électoral. Les élections communales de ce 11 décembre constituent une énième victoire pour l'IRMAR qui rafle au total, selon les résultats de la CENI, 967 communes sur 1 695. Acculée, une fois encore, l'opposition a contesté les résultats des élections.