Les spectateurs l'attendaient depuis 2021, la deuxième saison de Squid Game est sortie le jeudi 26 décembre sur Netflix. Carton planétaire, le thriller dystopique sud-coréen est devenu l'une des séries les plus regardées de l'histoire de la plateforme. Un succès qui illustre la réussite du modèle d'exportation culturelle de Séoul, et en particulier des séries coréennes, les K-dramas, jusqu'en Afrique de l'Ouest.
C'est par la romance que les K-dramas sont arrivés sur les petits écrans ivoiriens en s'imposant sur le créneau des novelas. D'abord sur la radio télévision ivoirienne, la RTI, puis sur la chaîne Novelas TV, disponible sur le bouquet Canal+.
Dorcas Kouadio, esthéticienne au salon La Perkins de Cocody, est une habituée des feuilletons brésiliens ou turcs. Spectatrice occasionnelle de K-dramas, elle dit s'être laissé séduire par leur esthétique léchée et leurs couleurs pastel. « Les séries coréennes, j'aime bien, c'est rempli de belles histoires. J'aime bien les acteurs coréens, parce qu'ils sont charmants. Ils sont séduisants, et ils donnent envie de regarder les films ! Et puis c'est joli, l'éclairage, tout cela donne envie de regarder. Les fois où je tombe dessus, je ne peux plus m'en passer ! », s'exclame Dorcas Kouadio.
Première porte vers la culture coréenne
Pour beaucoup, ces romances ont ouvert une première porte vers la culture coréenne, permettant d'apprécier une culture cinématographique beaucoup plus vaste.
C'est le cas de Fanta Bakayoko, jeune assistante de direction devenue une inconditionnelle de K-dramas il y a quatre ans. « J'ai découvert la culture coréenne en 2020, pendant la période du Covid. Je m'ennuyais et je cherchais des séries à l'eau de rose. Je suis tombée sur une série sur Netflix, et depuis je suis à fond là-dessus, raconte-t-elle. J'ai l'habitude de regarder des séries de toutes sortes, mais la vision de l'amour est différente des séries américaines, par exemple, dans la conception de la masculinité. Dans les K-dramas, les hommes ont plus de facilité à exprimer leurs émotions et leurs sentiments, à pleurer... Ils ne jouent pas les durs, j'aime bien cela. »
Mais derrière les romances, les spectateurs peuvent découvrir un univers cinématographique beaucoup plus vaste. « Quand on parle de séries coréennes, les gens pensent que ce sont seulement des choses à l'eau de rose, des histoires d'amour, regrette Fanta Bakayoko. Alors qu'il y en a de tous genres : horreur, action, psychologie, historique... Actuellement, je regarde Marry my Husband, mais j'ai aussi beaucoup aimé M. Queen, Vincenzo et Heal me, Kill me. Ils nous vendent beaucoup de rêve, avec les K-dramas. Plus je regarde, plus j'aime leur culture. Cela me donne envie de manger de la nourriture coréenne, et aussi de partir là-bas pour découvrir leurs sites historiques. Moi, en tout cas, inch'allah, un jour, j'irai ! »
Le manque de diversité au casting des K-dramas ne la dérange pas. « Il y a des acteurs noirs dans So Not Worth It et dans Itaewon Class. Pas dans les autres séries, mais puisque ce sont des productions coréennes à l'origine, cela ne me choque pas qu'ils fassent passer leurs types de beauté en priorité. Au fur et à mesure que le monde avance, peut-être qu'ils vont intégrer davantage de personnes noires ! », note Fanta Bakayoko.
Soft power coréen dans le premier pays Africain a avoir établi des relations diplomatiques avec Séoul
De petites communautés de passionnés se sont formées sur Facebook ou sur TikTok. Et pour les plus déterminés, l'université Félix Houphouët-Boigny de Cocody propose un master d'Études coréennes depuis 2017, avec des bourses de doctorat financées par le gouvernement coréen.
Car les K-dramas appartiennent à ce qu'on appelle la « Hallyu », la stratégie de soft power coréen, rappelle la directrice de ce master, le Pr. Mira Sun. Un soft power qui a trouvé un terreau particulièrement fertile en Côte d'Ivoire. Il s'agit du premier pays d'Afrique avec lequel la Corée du Sud a établi des relations diplomatiques, en 1961.
Dans un K-drama, il y a tout : la culture, l'Histoire, la langue coréennes... Spirituellement et culturellement, il y a beaucoup de points communs entre les deux peuples, je pense. Les jeunes Ivoiriens adorent la culture coréenne : K-dramas, musique, cuisine... (...) Il y a beaucoup de ressemblances au niveau de la vie quotidienne, donc ils se rapprochent facilement. Les Ivoiriens sont très ouverts, je trouve. Ils aiment beaucoup «awkaba», accueillir, et pour ça il n'y a pas de limite de langue ou de culture. Le professeur Mira Sun, directrice du master d'Études coréennes à l'université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Pour le professeur, ce rapprochement a été favorisé par certains points communs historiques et culturels. « Les Ivoiriens aiment beaucoup de plats coréens : kimchi [chou fermenté], kimbap [riz garni roulé dans une algue séchée], tteokbokki [gâteaux de riz servis avec une sauce pimentée], sundae [sorte de boudin]... Cela se rapproche de la cuisine ivoirienne, comme l'alloco et l'attiéké. Avec alloco et attiéké, on peut manger du kimchi, cela passe très bien ! », explique-t-elle.
La Corée du Sud et la Côte d'Ivoire entretiennent aussi des rapports étroits dans le domaine du sport, puisqu'en nombre de licenciés, le taekwondo est le deuxième sport le plus pratiqué en Côte d'Ivoire, après le football. La seule médaille obtenue par la Côte d'Ivoire aux Jeux olympiques de Paris cette année a d'ailleurs été dans cet art martial coréen.