La déclaration politique d'Ousmane Sonko, Premier ministre du Sénégal, présentée hier, 27 décembre devant les députés de la XVème législature est une esquisse présentée sous la forme d'une stratégie articulée autour de ruptures fondamentales et un agenda national de transformation à long terme, pour une Nation aspirant à une souveraineté et à une prospérité, par le biais d'une politique qui entend briser les pratiques du passé pour répondre aux attentes des citoyens sénégalais.
La démarche s'inscrit dans un contexte où les défis économiques, sociaux et politiques sont nombreux. En visant une croissance inclusive et durable, le discours souligne la nécessité d'une gouvernance transparente, d'une souveraineté économique renforcée et d'un engagement sociétal profond.
Une rupture assumée
Dès les premiers moments de sa déclaration, Ousmane Sonko s'est livré à un diagnostic sévère qui est également, son « héritage » : un pays coincé dans les vestiges d'un système économique post-colonial, qui le fait rester dans une économie encore très dépendante de l'exportation des matières premières, un développement confiné dans le triangle Dakar-Thiès-Mbour, des inégalités croissantes, une jeunesse désillusionnée par l'étroitesse du marché du travail, des institutions fragilisées. Quant au PIB, selon le premier ministre, il stagne depuis l'indépendance.
Le décor campé et le tableau peint, le Premier ministre a appelé à une refonte radicale en prônant des ruptures majeures : gouvernance transparente, gestion décentralisée, valorisation des ressources nationales et une planification à long terme, incluant des objectifs à 25 ans.
Une vision audacieuse pour le Sénégal, pleine défis
La Déclaration de Politique Générale d'hier, frappée de radicalité, a mis en exergue, des ruptures majeures. D'abord, l'insistance sur la souveraineté économique nationale et l'intégration régionale en défendant les intérêts nationaux face aux partenaires internationaux et les actions à mener pour renforcer l'autonomie dans les secteurs de l'agriculture, de l'énergie et des finances.
Dans l'axe économique et social, priorité sera donnée selon le Premier ministre, à la mobilisation des ressources nationales, à une réforme du système fiscal pour plus d'équité et d'efficacité, à la rationalisation des dépenses publiques, et à un soutien au secteur privé national et à l'entrepreneuriat.
Une autre rupture « énoncée est dans le passage d'une gestion centralisée à une gestion territorialisée, la promotion d'une administration moderne et la réorientation de la gouvernance, tournée vers des résultats concrets et non plus vers des dépenses.
Comme ses prédécesseurs, le Premier ministre, Ousmane Sonko a promis la transparence budgétaire, la lutte contre la corruption. L'audit des contrats du régime sortant a constitué une promesse forte. En attendant leur concrétisation qui reste aujourd'hui, sujette à caution.
En mettant dans l'escarcelle des promesses, la réduction des inégalités sociales, des initiatives pareilles à la politique des bourses familiales, les investissements en santé, en services sociaux et dans l'éducation, l'inclusion des populations marginalisées et le renforcement de la cohésion sociale, le Premier ministre, vise le capital humain et l'équité sociale
Des infrastructures modernes et une connectivité nationale, la promotion d'une économie verte et la durabilité environnementale, ont également été évoqués.
Derrière l'ambition, il faudra aligner les réformes structurelles, la mobilisation nationale et surtout la coordination internationale dans un contexte de financements de plus en plus difficiles à trouver.
La loi d'amnistie votée sous le régime de Macky Sall lors de la précédente législature et qui avait soulevé et soulève encore de grands débats, sera proposée à l'abrogation, pour faire la lumière sur les évènements de 2021 et 2023 et pour situer les responsabilités, indépendamment des affiliations politiques. L'approche se veut guidée par un souci de justice et non dans un esprit de vengeance. Selon le Premier ministre, cette démarche est essentielle poour garantir la paix sociale et restaurer le confiance dans la justice
Les moyens de financement
Dans sa Déclaration de Politique Générale, Ousmane Sonko a décrit les moyens et les principales sources de financement de ses projets.
D'abord, il y a la mobilisation des ressources internes basée sur une réforme fiscale ambitieuse pour augmenter le taux de pression fiscale à au moins 20%, permettant de générer plusieurs centaines de milliards de FCFA en recettes supplémentaires.
Puis, la rationalisation et l'évaluation des dépenses fiscales, notamment des exonérations fiscales, pour maximiser leur efficacité et réduire les pertes de
recettes. Puis l'amélioration de la collecte fiscale par l'élargissement de l'assiette fiscale et par la lutte contre l'évasion fiscale, notamment via des audits et des réformes des exonérations.
Les investisseurs institutionnels publics sénégalais, tels que la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), le Fonds Souverain d'Investissements Stratégiques (FONSIS) et les caisses de retraite nationales, sont également identifiés comme des investisseurs locaux.
Dans l' exposé des grandes orientations concernant les partenariats, il faut, dit-il, repenser les Partenariats Public-Privé (PPP) qu'il identifie comme un levier essentiel pour financer les projets stratégiques, en corrigeant les déséquilibres et les imperfections observés au cours de la dernière décennie, en mettant l'accent sur la transparence accrue dans le choix des entreprises contractantes, et une redéfinition des coûts unitaires, ainsi que le respect des normes de qualité et des délais de livraison.
Concernant les institutions internationales et régionales, les partenaires « traditionnels » ont été cités : la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Islamique de Développement (BID), ainsi que des institutions sous-régionales, telles que la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) et la Banque d'Investissement et de Développement de la CEDEAO (BID). Ces entités seront sollicitées pour des financements concessionnels
Une nouvelle approche a été dévoilée, mettant en avant des obligations pour mobiliser les capitaux locaux, directement auprès des citoyens sénégalais. Quant aux Sukuks qui sont des obligations islamiques, ils seront utilisés pour financer des projets conformes à la finance islamique.
Cette Déclaration de Politique Générale prometteuse, axée sur des changements structurels profonds, porte aussi les germes d'un défi colossal. Celui de passer des paroles aux actes dans un environnement et un contexte budgétaire et politique contraints, où chaque pas, chaque geste, chaque mot est scruté et commenté. En présentant une approche structurée des partenariats en combinant financement local, institutions internationales après les avoir vouées aux gémonies, des mécanismes innovants mais excluant une partie de la population sénégalaise, des entités privées à travers les PPP, le succès du Projet dépendra aussi de l'adhésion d'une population sénégalaise qui a souvent vu ses espoirs déçus.