Réunie à Agoè-Nyivé, dans le Grand Lomé, du 18 au 20 Décembre 2024, une quarantaine d'OSC (Organisation de la Société Civile) de différents coins et recoins du Togo ont planché sur l'espace civique togolais et les textes qui le régissent.
Au cours de ces trois jours de colloque marqués par diverses thématiques, les participants à cette rencontre soutenue par WSM (We Social Movements) et l'UE (Union Européenne), et à l'initiative de laquelle étaient ACAT Togo, INSPIR Togo et l'ONG SADD (Solidarité Action pour le Développement Durable), s'en sont imprégnés de la réalité actuelle qui laisse transparaitre une fermeture de l'espace civique national.
Ils ont plaidé pour des dispositions indispensables en vue d'un espace civique plus ouvert. Dans la déclaration finale ayant sanctionnée ces travaux et dont nous vous proposons la lecture, ces OSC ont situé les responsabilités des différents acteurs, des pouvoirs publics aux partenaires techniques et financiers, en passant par la communauté internationale et partenaires au développement, syndicats et acteurs de la société civile et formulé des recommandations. Lisez !
Date : Du 18 au 20 décembre 2024 Lieu : Centre FOPADESC à Agoè-Nyivé le district du Grand-Lomé Thème : « Réflexion pour des approches de solution inclusive de la réglementation de l'espace civique, de l'implication et de la contribution des OSC dans la mise en oeuvre des politiques publiques »
Déclaration du Colloque sur l'Espace Civique au Togo
Nous, participants au Colloque sur l'Espace Civique au Togo, à l'initiative d'ACAT-TOGO en collaboration avec INSPIR-Togo, SADD et consortium LAR/PROJET UE réunis les 18, 19 et 20 décembre 2024 au Centre de formation de la FOPADESC de Lomé à Ago-Nyivé sous le thème : « Réflexion pour des approches de solution inclusive de la réglementation de l'espace civique, de l'implication et de la contribution des OSC dans la mise en oeuvre des politiques publiques » issus d'une quarantaine d'organisations de la société civile et syndicales.
Considérant les différents constats :
➢ Depuis plusieurs années, bon nombre d'associations et ONG régulièrement enregistrées n'ont pas pu obtenir leur récépissé et sont de fait privées de leur droit d'exercer des activités.
➢ Plusieurs activités d'OSC en appui aux politiques publiques sont interdites contre toutes attentes depuis 2023.
➢ Les activités préparées sont interdites à la dernière minute occasionnant des préjudices aux associations organisatrices.
➢ Des activités des associations sont interdites par des procédures illégales alors que l'autorité est informée. Parfois des OSC disposant de leur récépissé sont renvoyées pour aller chercher une autorisation au ministère de l'administration territorial avant de mener les activités.
➢ Les difficultés d'obtention de récépissés pour bon nombre d'associations entraînent une restriction plus accrue de la liberté d'association et de réunion pacifique. De plus par la note circulaire N°270/MATDDT-SG_DAF-DRTE du 13 novembre 2023, le Ministre de l'Administration Territoriale, de la Décentralisation et du Développement des Territoires a informé les préfets que « seules les organisations Non Gouvernementales (ONG) et associations ayant des récépissés valides sont autorisées à mener des activités sur toute l'étendue du territoire national ».
➢ L'espace civique au Togo reste réprimé depuis 2019 selon Civicus Monitor.
- Bien que la loi n°2021-012 du 18 juin 2021 portant Code du travail connait des avancées significatives, des reculs en matière de la liberté syndicale, de négociation collective et l'exercice du droit de grève marqués par des formes d'ingérence des autorités publiques et des employeurs dans les affaires syndicales sont enregistrés. Ces insuffisances réduisent la capacité des organisations syndicales à remplir efficacement leur mission.
- Les multiples entraves qui traduisent le rétrécissement de l'espace civique au Togo, mettent en péril les opportunités et le potentiel des OSC à participer au développement et nuisent à la démocratie en impactant négativement : le dynamisme et la vitalité de la société civile togolaise par la réduction de leurs capacités d'action, l'affaiblissement des synergies, et le risque élevé d'affaiblissement du contrôle citoyen de l'action publique traduit par un climat de peur et d'autocensure.
- l'accès aux services et aux droits des citoyens ainsi que la limitation de leur participation citoyenne.
Considérant que :
- La liberté d'association, de réunion pacifique, d'expression et les droits syndicaux sont des droits fondamentaux garantis entre autres par la Constitution togolaise, les traités internationaux et régionaux ratifiés par le Togo, tels que le PIDCP, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, et les conventions de l'OIT ;
- Un espace civique ouvert et inclusif est un pilier essentiel pour la démocratie, l'état de droit et le développement durable ;
- Des dispositions législatives et administratives, ainsi que certaines pratiques, limitent actuellement l'exercice effectif de ces libertés au Togo, créant des tensions entre les acteurs étatiques et non étatiques ;
- Une réglementation restrictive ou arbitraire de l'espace civique affaiblit la participation citoyenne, entrave la mise en oeuvre des politiques publiques et freine l'atteinte des objectifs de développement ;
- Les exemples de bonnes pratiques en Afrique, notamment en Afrique du Sud, au Kenya, au Ghana et au Sénégal démontrent qu'un cadre juridique respectueux des libertés civiques, soutenu par un dialogue inclusif, peut renforcer la démocratie et la cohésion sociale ;
Réaffirmant notre engagement :
· À promouvoir un dialogue constructif et permanent entre l'État, les OSC, les syndicats, et les citoyens, dans un esprit de collaboration et de respect mutuel ;
· À travailler ensemble pour réformer les cadres législatifs et institutionnels afin de garantir la pleine jouissance des libertés fondamentales au Togo ;
Recommandons ce qui suit :
Aux pouvoirs publics
· Adopter des réformes législatives alignées sur les engagements internationaux du Togo pour garantir la liberté d'association, de réunion pacifique et les droits syndicaux.
· Simplifier et rendre transparent le processus d'enregistrement des associations, en supprimant les obstacles administratifs injustifiés.
· Garantir que toute suspension ou dissolution d'associations ne puisse intervenir que sur décision judiciaire, dans le respect des droits de la défense.
· Protéger le droit de manifester pacifiquement.
Aux syndicats
· Intensifier les efforts pour défendre les droits des travailleurs et promouvoir des mécanismes inclusifs de négociation collective.
· Mobiliser et sensibiliser les travailleurs sur leurs droits pour une participation active au processus démocratique.
· Créer des alliances stratégiques avec les organisations pour mener des actions dans le cadre du dialogue plus promu par le BIT.
Aux partenaires techniques et financiers
· Soutenir des projets de développement qui viennent en appui, aux politiques publiques du Togo
· Soutenir des projets de renforcement du CCAP pour faciliter l'atteinte des objectifs de développement des différentes politiques publique du Togo
· Soutenir les initiatives visant à renforcer l'espace civique, en apportant un appui technique et financier aux projets favorisant la participation citoyenne et le respect des droits humains.
· Faciliter l'échange de bonnes pratiques entre le Togo et d'autres pays africains pour promouvoir des cadres juridiques inclusifs et respectueux des libertés.
Nous appelons :
· Le Gouvernement togolais à tenir compte des recommandations formulées au cours de ce colloque pour réviser et améliorer les lois et pratiques relatives à l'espace civique.
· Les acteurs de la société civile et des syndicats à maintenir leur engagement pour un espace civique inclusif et à promouvoir un dialogue constructif avec les autorités.
· La communauté internationale et les partenaires au développement à appuyer le Togo dans ses efforts pour garantir un environnement démocratique et protecteur des libertés fondamentales.
En conclusion, nous affirmons que la construction d'un espace civique ouvert et inclusif est une responsabilité collective et une condition sine qua non pour un Togo démocratique et prospère.
Fait à Lomé, le 20 décembre 2024
Les organisations de la société civile et syndicales participantes au Colloque sur l'Espace Civique au Togo.