La France a rétrocédé une première base militaire au Tchad, à Faya, dans l'extrême Nord désertique du pays, moins d'un mois après l'annonce surprise de la suspension par N'Djamena de l'accord militaire avec Paris.
Le ministère tchadien des Armée a annoncé que « les forces françaises ont rétrocédé la base de Faya à l'ANT », l'Armée nationale tchadienne, précisant que le personnel - sans effectif précis - et le matériel de la base « regagneront la France dans les prochains jours », « via le port de Douala, au Cameroun, avec une échéance attendue d'ici à janvier », selon un responsable de l'armée française .
Ainsi, « 54 véhicules ont pris la route en convoi en direction de N'Djamena et au même moment, un avion Antonov 124 a décollé de N'Djamena avec plus de 80 tonnes de fret», a détaillé le ministère. « Une trentaine de militaires étaient stationnés à Faya et la rétrocession sera suivie par celle d'Abéché, puis de N'Djamena dans les semaines qui viennent », a indiqué l'état-major français des armées (EMA).
Occupée dans les années 1970 puis au début des années 1980 par les Libyens qui soutenaient des rebelles hostiles au pouvoir d'Hissène Habré, la base Faya-Largeau fut reprise en 1987 par les forces tchadiennes avec l'appui français. Les forces françaises y stationnaient depuis un détachement, impliqué notamment dans le cadre de la mission Barkhane au Sahel.
Les Accords obsolètes
Le retrait français fait suite à la décision du Tchad, annoncée le 28 novembre, de mettre fin à soixante ans de coopération militaire en rompant les accords qui le liaient à la France depuis la fin de la colonisation. Le président Mahamat Idriss Déby Itno a jugé que ces accords étaient « complétement obsolètes, face aux réalités politiques et géostratégiques de notre temps ». « Ces étapes marquent la fin de notre présence militaire permanente qui ne répondait plus aux attentes et aux intérêts de chacune des parties », selon l'EMA qui assure suivre « le calendrier établi avec le partenaire tchadien ».
Auparavant, trois appareils de l'armée française avaient décollé du Tchad pour rallier la France, annonçant le coup d'envoi du retrait français après que N'Djamena a décidé, à la fin de novembre, de mettre fin à l'accord de coopération en matière de défense signé avec l'armée française. Une première unité de 120 soldats français avait quitté également N'Djamena à destination de la France. Environ un millier de soldats et personnels militaires français étaient stationnés au Tchad avant le début des opérations de retrait. Des troupes françaises étaient sur trois emprises au Tchad.
Des avions de combat français ont été stationnés au Tchad quasiment sans discontinuer depuis l'indépendance en 1960, servant à la formation et l'entraînement des militaires tchadiens. L'ex-puissance coloniale a compté jusqu'à plus de 5 000 militaires au Sahel dans le cadre de l'opération antijihadiste Barkhane, stoppée fin novembre 2022. Entre 2022 et 2023, quatre anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont enjoint Paris à retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée.
Maillon clé de sa présence militaire en Afrique, le Tchad constituait le dernier point d'ancrage de Paris au Sahel, et la décision de N'Djamena de dénoncer fin novembre l'accord de défense avec son vieil allié a pris Paris de court. Fin novembre, le Sénégal a également signifié sa volonté d'infléchir sa coopération militaire avec la France, qui cherche à renforcer ses liens diplomatiques avec des pays d'Afrique anglophones comme le Nigeria ou le Ghana.