L'insertion de la castration chirurgicale dans le code pénal constitue la réforme législative majeure de cette année 2024. Une initiative du président de la République pour sanctionner sévèrement les violeurs d'enfants.
Contre vents et marées, Andry Rajoelina, président de la République, a initié et défendu à cor et à cri l'adoption de la loi sur la castration et son application contre les violeurs d'enfants. Il s'agit de la principale réforme législative de cette année.
L'initiative a été annoncée par le chef de l'État dans son discours de fin d'année et de présentation des voeux du Nouvel An, le 31 décembre 2023. Elle a été poussée par le nombre ahurissant de viols sur mineurs enregistrés l'année passée, particulièrement les sévices sexuels sur les enfants en bas âge. Et la dynamique n'a pas baissé durant les premières semaines de 2024.
Selon les chiffres communiqués en Conseil des ministres, le 21 février, cent quarante-quatre affaires de viols, notamment sur mineurs, ont été prises en main par la justice depuis début 2024. Outre infliger une sanction exemplaire contre les violeurs, le but de la castration, selon les arguments étatiques, est aussi d'éviter les récidives en neutralisant définitivement les pulsions sexuelles des prédateurs. L'idée est également d'avoir un effet dissuasif.
"Une simple peine d'emprisonnement ne suffit pas par rapport aux séquelles physiques et psychologiques, ainsi qu'aux traumatismes que les victimes porteront durant toute leur vie", avait déclaré le président Rajoelina dans une tirade passionnée sur le sujet, en mars, à Toamasina. Le projet de loi inscrivant la castration contre les violeurs d'enfants dans le code pénal a ainsi été présenté et adopté par le Parlement durant une session extraordinaire en février.
À la base, il a été prévu une castration chimique et une castration chirurgicale, suivant la gravité du délit sexuel. Lors du contrôle de constitutionnalité du texte, le 23 février, la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) n'a finalement retenu que la castration chirurgicale. Ceci, pour accorder les objectifs de la réforme législative avec les principes des droits de l'Homme et ceux édictés par la Constitution.
Souveraineté
L'article 8 alinéa 2 de la Loi fondamentale dispose que "nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants". Cette disposition constitutionnelle reprend notamment les termes de l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Selon la Cour d'Ambohidahy, médicalement, la castration chirurgicale peut se faire de manière à ce que l'exécution de la peine ne rentre pas dans la catégorie des actes de torture.
La HCC a également demandé au gouvernement de préciser, par voie réglementaire, les modalités de l'opération chirurgicale "tenant compte de l'obligation de respect des droits humains". Le décret y afférent a été adopté en Conseil du gouvernement, en août. L'initiative étatique d'appliquer la castration contre les violeurs d'enfants a défrayé les chroniques jusqu'à l'international. Elle n'a pas, non plus, fait l'unanimité.
Le 8 février, au lendemain de l'adoption du projet de loi par le Sénat, Amnesty International a publié un communiqué demandant aux autorités de revenir sur la législation de la castration, qu'elle qualifie de "traitement cruel, inhumain et dégradant", incompatible avec la Constitution et les normes internationales. Le 26 février, tablant sur les mêmes arguments, Isabelle Delattre Burger, ancienne ambassadrice de l'Union européenne (UE), a également tiré à boulets rouges contre cette mesure.
La diplomate a réagi après que la HCC a donné son feu vert et le jour même de la promulgation de la loi sur la castration par le président de la République. Ce qui lui a valu une convocation "pour explication" par Rafaravavitafika Rasata, ministre des Affaires étrangères, le 29 février. Madagascar a ensuite demandé le rappel de l'ambassadrice de l'UE.
Devant le Parlement, lors de la présentation du texte sur le sujet, Landy Mbolatiana Randriamanantenasoa, ancienne ministre de la Justice, avait joué la carte de la souveraineté et de l'ordre public. Elle avait ainsi plaidé que "modifier ses lois relève de la souveraineté nationale de Madagascar", en ajoutant : "Certes, il y a les questions de droits de l'Homme, mais avant ça, il y a aussi la nécessité de préserver l'ordre public et l'intérêt général".