Guinée: Ce 31 décembre 2024 marque symboliquement la non-fin pourtant attendue de la transition

En Guinée, la page de la transition militaire ne se fermera pas ce 31 décembre 2024. Initialement, c'est ce mardi à minuit que devait s'opérer le retour à l'ordre constitutionnel, comme le général Mamadi Doumbouya et la junte du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) s'y étaient engagés avec la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Il y a trois semaines, le gouvernement a confirmé que la date butoir ne serait pas tenue, évoquant une deuxième phase dite de la « refondation de l'État », plus de trois ans après le coup d'État du 5 septembre 2021 qui a renversé le régime d'Alpha Condé.

Sur les dix étapes du chronogramme de la transition en Guinée, seules l'opération de Recensement administratif à vocation d'état-civil (Ravec) et l'élaboration de la nouvelle Constitution ont débuté.

Le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, reconnait le retard, mais le justifie par la nécessité de refondation de l'État : « Les gens doivent intégrer que le souci premier de l'équipe dirigeante actuelle, ce n'est pas de dire qu'il faut se substituer à l'ancien régime, et le substituer à nouveau puis s'effacer. Le souci premier, c'est de créer les conditions d'une stabilité durable, d'une réconciliation réelle des Guinéens, un vivre-ensemble renouvelé qui fait l'adhésion de tous les Guinéens. Parce que sinon, une entreprise, quelle qu'elle soit, ne serait pas viable sur la durée. Et nous voulons laisser une société viable dans laquelle des valeurs sont ancrées et dans laquelle l'histoire de notre pays est acceptée par chacun d'entre nous. »

« Il y a de bonnes chances que cela se réalise au cours de 2025 »

Ousmane Gaoual Diallo affirme : « Maintenant, c'est sûr qu'avec la dynamique du Ravec qui est là et les mécanismes d'enrôlement qui sont en train d'être mis en place, il y a de bonnes chances que cela se réalise pendant une période raisonnable, au cours de 2025. »

En revanche, les opposants ne l'entendent pas de cette oreille. La plateforme des Forces vives de Guinée, qui regroupe des partis d'opposition et des organisations de la société civile critiques de la junte, annonce qu'elle ne reconnaitra plus les autorités transitoires à compter de ce mardi, à minuit. Les Forces vives de Guinée exigent le départ des militaires et la mise en place d'une transition civile. Elles appellent en outre à manifester à Conakry le 6 janvier 2025.

Mouctar Kalissa, Secrétaire général des Jeunes du parti Union des forces républicaines (UFR), ne veut plus tenir compte des déclarations du gouvernement et préfère se focaliser sur le président Mamadi Doumbouya. « Je leur dirais [aux membres du gouvernement de transition, NDLR] que le 5 septembre (2021), ce ne sont pas eux qui ont pris les armes pour aller déloger Alpha Condé au palais présidentiel de Sékhoutouréya, lance-t-il. La personne qui est allée le faire, c'est le général Mamadi Doumbouya. Donc, le peuple n'attend que sa parole : c'est-à-dire, ce qui nous avait été promis. Parce que c'est un soldat, et le soldat c'est le respect des engagements. Il le fera pour qu'il y ait la paix et la quiétude sociale dans le pays. Dans son adresse à la Nation, il faut qu'il fasse une preuve de maturité, dire que "c'est moi qui ai pris l'engagement", dire qu'à partir du 31 décembre "je ne resterai pas au pouvoir", pour que le pays puisse aller de l'avant. C'est aussi simple que ça ».

« Ce retard-là n'est orchestré que par eux-mêmes »

Mouctar Kalissa insiste : « Les Forces vives ont déjà donné leur mot d'ordre et on verra ce qu'il va se passer. Ce retard-là n'est orchestré que par eux-mêmes [les autorités de transition, NDLR], parce qu'il y avait un manque de volonté de dialoguer, un manque de volonté de se mettre à une même table, de parler de ce qui est l'essentiel. On n'a pas fait cela ! Donc, ce sont eux-mêmes qui se sont donnés cette date butoir de 2 ans pour finir la transition. »

En mars dernier, peu après sa nomination au poste de Premier ministre, Bah Oury annonçait sur RFI que « la durée de la transition dépend de ce qui va être fait sur le terrain », avant de souligner que « 2025 était une bonne période pour couronner l'ensemble du processus ».

Aucune des dix étapes majeures vers un retour à l'ordre constitutionnel n'est achevée

Mais, alors que s'ouvre cette nouvelle année, aucune des dix étapes majeures du chronogramme de la transition n'est achevée. Seules ont débuté le Recensement administratif à vocation d'état-civil (Ravec), toujours en cours, et l'élaboration de la nouvelle Constitution, bloquée au stade d'avant-projet depuis trois mois, et ce malgré l'engagement il y a pile un an du président de transition Mamadi Doumbouya de tenir un référendum avant 2025.

À la veille du dernier sommet de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), le ministre des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, avait assuré au Conseil permanent de la Francophonie que toutes les élections en Guinée se tiendraient dans l'année qui commence. Mais aucune date n'a été précisée.

Et les partis d'opposition et le mouvement citoyen Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) annoncent une série de manifestations à Conakry à partir de lundi prochain.

Pour rappel, Mamadi Doumbouya avait pris le pouvoir en septembre 2021 en renversant Alpha Condé, à la tête de la Guinée de 2010 à 2021, très contesté après sa réélection pour un troisième mandat. Les nouvelles autorités, issues du putsch, s'étaient alors engagées à un retour à l'ordre constitutionnel avant fin 2024.

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