Tunisie: Arts et culture / Les moments forts de 2024 / La scène musicale tunisienne - Les sonorités qui ont marqué l'année

31 Décembre 2024

L'année 2024 a été riche en prestations réussies dans le monde de la musique. Quant aux nouvelles sorties musicales, en dehors des rappeurs, dont les clips foisonnent sur les réseaux sociaux, peu de titres récents ont réussi à toucher le large public. De l'essor de nouveaux genres à l'évolution des artistes établis, revenons sur les moments clés qui ont façonné cette année.

Les concerts hommages où de nouveaux talents émergeants ainsi que des stars confirmées célèbrent le répertoire de chanteurs emblématiques tunisiens et étrangers ont connu un regain de popularité cette année. Leur nombre ne cesse d'augmenter et d'attirer les spectateurs. On retient dans ce sens pour la musique tunisienne les deux concerts «Aïn al mahabba» organisés par le ministère des Affaires culturelles pour rendre hommage aux chanteurs tunisiens.

Les interprètes originaux étaient présents pour reprendre des versions revisitées de leurs titres phares à côté de jeunes chanteurs en herbe. Pour la musique orientale, ont particulièrement brillé Eya Daghnouj dans ses spectacles reprenant Oum Kolthoum et l'Opérette Sayed Darwiche de Sofiane Ben Farhat. Côté chansons occidentales, l'événement qui a marqué l'année est incontestablement la série de concerts en hommage à Charles Aznavour comme 2024 coïncide avec le centenaire de sa naissance et la sortie du biopic «Monsieur Aznavour».

Après des prestations réussies à Sousse, les organisateurs qui ont commencé par programmer une seule date au Théâtre municipal de Tunis sont arrivés à 3 concerts sold-out en un mois, alors que ceux qui produisent de nouveaux titres ne font que quelques dates chaque année. C'est le compositeur et pianiste Rafik Gharbi qui a porté ce projet trouvant un bel équilibre entre innovation et hommage senti. L'engouement du public s'explique par l'émotion non feinte qui se crée où rien ne se perd, tout se transforme.

Les musiciens et les interprètes ont su insuffler une nouvelle vie aux textes et aux mélodies, tout en respectant l'esprit de l'oeuvre originale, mais sans tomber dans le travers de l'imitation ou du karaoké boiteux. Le public incrédule d'abord, puis impressionné, a applaudi généreusement Kamel Sellam, véritable sosie vocal de Charles Aznavour. Entre les reprises, le conducteur comprend également des morceaux composés par le réalisateur du spectacle Rafik Gharbi, comme «Tango sur le Pont Neuf» et « Alchimie» Le Carthage Symphony Orchestra a également donné deux spectacles en hommage à Dalida sous la baguette de Hafedh Makni, avec des arrangements inédits.

Bien qu'ils soient largement appréciés, les concerts de reprise peuvent aussi diviser. Avec les revenus importants qu'ils génèrent et les tournée, la question qui se pose souvent est de savoir si ces concerts de reprise sont légaux. La réponse n'est pas aussi simple, car elle dépend de plusieurs facteurs, notamment du respect des droits d'auteur. D'ailleurs, un concert en hologramme de la chanteuse tunisienne Dhekra a été annulé pour cette raison.

«La chorale, c'est vous»

Ce concept en pleine expansion a été lancé par le compositeur marocain multi-instrumentalisme, Amine Boudchar. Le principe est simple : le public devient, le temps d'une soirée, une grande chorale éphémère, accompagné de musiciens live. Depuis, cette idée prolifique encensée par les spectateurs connaît un essor flamboyant au point que l'on se perd aujourd'hui devant les affiches pléthoriques et concurrentielles. Mais, vu les prix des billets, on pourrait se demander sur ce qui rend ces concerts si spéciaux, et pourquoi les spectateurs continuent-ils à affluer pour des prestations sans chanteurs ? S'agit-il d'une orientation vers la facilité ?

Il est vrai que, quel que soit le répertoire, on prend plaisir à fredonner et écouter les chants à plusieurs voix. De plus, à en croire les nombreuses acclamations et les applaudissements nourris à l'issue de ce spectacle, on se rend compte que le public qui était au diapason a fortement apprécié ce concept. Cependant, dans ce cas aussi, derrière chaque mélodie se cachent des considérations légales en ce qui concerne les droits d'auteur.

Les concerts grand public

de l'année

L'été dernier, plusieurs figures emblématiques de la musique orientale ont fait leur grand retour à Carthage et au Festival international de Hammamet. On retient Kadim Al Sahir, Carole Samaha, Assala, Wael Kfoury. C'est l'année des sold-out et des longues files d'attente sous le soleil brûlant pour acclamer sa star préférée en live. Les concerts aux couleurs du patrimoine signés par de grands artistes tunisiens comme Lotfi Bouchnak et Zied Gharsa ont également été d'énormes succès côté public.

Najet Attia est revenue sur scène cette année après une longue absence. En parallèle, dans les festivals des régions, la carte proposée était presque identique du Nord au Sud, avec presque les mêmes noms aux affiches. À part quelques exceptions comme des figures du rap, Raouf Maher qui vient de sortir un nouvel opus et Mortadha, dont le duo avec Nassif Zeytoun a atteint la barre des 60 millions de vues en quelques mois, la presque totalité des concerts tunisiens proposent des productions anciennes et des reprises.

Dougga ou l'exception culturelle

Sa programmation hors des sentiers battus lui a valu le large succès commercial et artistique que nous avons noté cet été. Etalé sur 11 soirées évitant les dates des grands festivals, cet événement est une stratégie qui a pu mettre sous les feux de la rampe un site et un festival incitant les festivaliers à venir à Dougga avec des concerts qui mettent en avant aussi bien la scène émergente que l'alternative. C'était également un des derniers concerts de Yasser Jeradi.

Les grandes productions

du théâtre de l'Opéra

Le Théâtre de l'Opéra de Tunis a offert tout au long de l'année un programme de qualité et a accueilli particulièrement trois spectacles tunisiens grandioses qui ont fait après le tour des festivals. Il y a eu l'adaptation remarquable de «Carmen», l'opéra-ballet emblématique de Georges Bizet, d'abord en français puis en dialecte tunisien. «Les quatre saisons» de Vivaldi a été jouée dans une version revisitée intitulée «Le mariage du loup». Le public a également fortement apprécié «Imagine » de Karim Thlibi, un psychodrame musical conçu à partir d'une oeuvre de Mohsen Ben Nefissa, mêlant opéra et musique électronique.

Revival et Esfer, un souffle nouveau

Le groupe Gultrah Sound System et son leader Halim Yousfi ont marqué l'année avec un nouvel album qui a marqué une nouvelle phase dans sa démarche artistique. «Revival» s'annonçant comme la confirmation d'un nouveau son et d'une nouvelle aventure à travers 9 titres pour une nouvelle phase de leur parcours artistique.

C'est l'expérience de plus d'une décennie venant succéder à un premier album «Prélude», qui a servi de compilation de chansons enregistrées à travers un chemin chaotique et une quête d'identité.

Dans une autre identité musicale, mais toujours dans la même filiation d'une scène alternative libre et affranchie, «Broua» s'est lancé sur la scène musicale avec un premier album «Esfer». Wissem Ziadi, dans une poésie au référenciel purement tunisien nourrit de nostalgie, de senteurs et de sonorités marine (comme l'indique le nom du groupe), se distingue par un bel agencement d'instruments, tels que la contrebasse, le violon, le oud et une gamme de percussions provenant du monde entier. «Esfer» est l'âme d'un poète qui crée son monde dans la grisaille de l'éloignement. «Horr El Insan» est un titre qui annonce le prochain album fraîchement sorti, il y a à peine une semaine. Une belle manière de clôturer l'année et se projeter dans de nouvelles perspectives.

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