Décidément, 2024 est une année placée sous le signe de la restitution du rôle social de l'Etat, traduisant une vision plus « humaniste » de l'économie et une volonté de faire primer l'humain sur le profit. Des décisions majeures ont été prises en ce sens, notamment la révision du code du travail avec pour objectif de limiter le travail précaire, la refonte du barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques consacrant, ainsi, le principe de la progressivité de l'impôt outre les amnisties fiscale et sociale décrétées au profit des PME.
Certes, il ne s'agit pas là d'une liste exhaustive des réformes économiques engagées, mais il semble que l'Etat soit déterminé à faire marche arrière sur la politique de désengagement, renouant avec les principes de l'Etat providence. L'année 2024 est aussi l'année du lancement effectif des entreprises communautaires avec l'introduction de nouveaux avantages financiers et fiscaux destinés à promouvoir ces initiatives collectives qui incarnent les principes de l'économie sociale et solidaire. Bien qu'ils aient enregistré une légère amélioration, les indicateurs macro-économiques trahissent encore la fragilité du tissu économique national. Avec un taux de croissance établi à 1,8 % au troisième trimestre et devant atteindre, selon diverses prévisions, les 1,2 % sur toute l'année 2024, le marché de l'emploi stagne. Tirée par la demande intérieure ainsi que par l'amélioration des activités agricole (10 %) et touristique (6 %), cette croissance économique modeste n'a pas permis de résorber le chômage qui oscille à un niveau élevé aux alentours de 16 %.
Poursuivant une tendance baissière, l'inflation, qui devrait s'établir à 7 % pour l'ensemble de l'année 2024, demeure une source de préoccupation pour la BCT qui a maintenu son taux directeur à 8%. Consolidés par l'augmentation des recettes touristiques ainsi que par la hausse des transferts des Tunisiens résidant à l'étranger, les avoirs en devises se sont stabilisés à 115 jours d'importation. La Tunisie a, également, honoré ses dettes extérieures, cette épouvante qui fait tant craindre les experts qui soutiennent que, malgré tout, la dette publique reste soutenable.
Quant à la note souveraine de la Tunisie, bien que restée au niveau de 3C, traduisant un risque qui pèse encore sur le pays, ses perspectives ont positivement évolué. L'année 2024 a, également, été marquée par un changement considérable de la structure de financement de la dette avec un basculement en faveur de la dette intérieure. L'investissement direct étranger a connu une hausse significative de plus de 14 %, atteignant plus de 2.100 millions de dinars, au cours des neuf premiers mois avec des perspectives positives pour les deux prochaines années.
En somme, l'économie tunisienne a fait montre, encore une fois, d'une résilience exceptionnelle. Néanmoins, cette dernière fait toujours face à de grands défis, tels que la relance de l'investissement, l'accélération de la croissance et la soutenabilité de la dette. Les récentes mesures annoncées pour accélérer l'exécution des grands projets devraient donner un nouvel élan au tissu économique national, à condition qu'elles atteignent leurs objectifs. Cependant, le potentiel de croissance considérable du pays reste encore à activer.