Burkina Faso: Variétés améliorées du niébé - « Komcallé », l'espoir des déplacés internes de Boussouma

Durant la campagne agricole humide 2024-2025, dans la région du Centre-Nord, les Personnes déplacées internes (PDI) de la commune rurale de Boussouma ont cultivé plusieurs spéculations de variétés améliorées, à l'image du mil blanc et du sorgho, mais surtout le niébé « Komcallé ». Reportage sur une variété à haut rendement et sur laquelle les PDI de Boussouma fondent leur espoir pour subvenir à leurs besoins alimentaires.

Le ciel est bleu-clair et dégagé, en ce mois de novembre 2024. Il n'y a aucun espoir qu'il pleuve encore, car la saison sèche a remplacé définitivement l'hivernage et s'est installée majestueusement. Nous sommes dans la commune rurale de Boussouma, distante de Ouagadougou, de 80 km et de Kaya, chef-lieu de la région du Centre-Nord, de 25 km. Les récoltes, en général, sont finies et les petits producteurs célèbrent les fruits de leur dur labeur. Parmi eux, les Personnes déplacées internes (PDI) se font remarquer.

Beaucoup d'entre eux ont fui leur village natal pour trouver refuge à Boussouma où ils

pratiquent l'agriculture sur les terres basses et sur les collines de la localité, cédées par les autochtones (pour les collines qui échappent encore aux rites sacrificiels de la royauté de Boussouma). Sur ces terres basses et hautes (qui culminent à près de 150 m), de braves PDI cultivent des spéculations de variétés améliorées comme le mil blanc et le sorgho.

Bloquer la faim

Cependant, elles fondent leur espoir sur le Vigna unguiculata, le niébé, une légumineuse majeure au Burkina Faso, selon les chercheurs, avec l'adoption de la variété « Komcallé ».

« Komcallé » qui signifie « bloquer la faim en période de soudure », aux dires des techniciens agricoles, s'adapte à la sécheresse avec un cycle de 60 jours et un rendement de 750 kilogrammes par hectare (kg/ha) en milieu paysan et un potentiel de 1,8 tonne (t) à l'hectare. Zakaria Bamogo, 40 ans, marié et père de sept enfants, un déplacé interne originaire de la commune rurale de Dablo fait partie de ceux qui ont cultivé pendant la saison hivernale, sur les collines de Boussouma.

En 2021, il quitte son village natal pour Boussouma où il obtient une colline cédée par les propriétaires terriens. Sa moisson pour la campagne agricole humide 2024-2025 lui permet de récolter quatre sacs de 50 kg de « Komcallé ». Ayant fui le village de Nongo (commune

rurale de Barsalogho), sa terre natale, du fait de l'occupation terroriste, la PDI, Salamata Ouédraogo, 46 ans, mariée et mère de six enfants, cultive principalement la variété « Komcallé» au secteur 3 de Boussouma. Elle regrette avoir laissé derrière elle, plus de 4 ha de terres cultivables. Mais, elle se réjouit des 6 sacs de 50 kg de ce niébé dont la saison hivernale lui a gratifié.

Ces petits producteurs bénéficient de conseils des services départementaux d'agriculture afin d'améliorer leur rendement. Ils affirment suivre rigoureusement les techniques de culture des semences de variétés améliorées de la cheffe de l'Unité d'appui technique en agriculture (UATA) de Boussouma, Mahoua Bawa, au service départemental de l'agriculture, des ressources animales et halieutiques de Boussouma.

Amender d'abord la terre

Mahoua Bawa explique que les PDI ont d'abord amendé leurs terres avec de la fumure organique avant de semer. Ensuite, 15 jours après les semis, ces PDI ont appliqué l'engrais NPK et l'urée, à 45 jours des semis, pour les terres basses. Les PDI qui cultivent sur les collines, à l'image de Zakaria Bamogo, ont adopté les techniques de restauration des terres, comme l'usage des diguettes filtrantes pour freiner l'érosion hydrique en milieu de colline et la Régénération naturelle assistée (RNA), une pratique ancestrale de protection des sols.

La variété « Komcallé » est approuvée par la recherche, soutient le chef du service départemental de l'agriculture, des ressources animales et halieutiques de Kaya, Boureima Kiéni. Les producteurs du Centre-Nord utilisent cette variété, poursuit-il, parce qu'ils ont eu les preuves de son haut rendement. Boureima Kiéni renchérit qu'elle a un cycle court et un rendement au-delà de 1,5t/ha.

« Au regard des aléas climatiques, c'est une variété qui est adaptée à notre zone. Même s'il y a peu de pluies, Komcallé peut boucler son cycle », relève-t-il avec assurance. Le chef du

service départemental de l'agriculture, des ressources animales et halieutiques de Kaya, avec une dose d'humour, relate que devant les semences améliorées à octroyer aux producteurs, ces derniers cherchent d'abord à savoir, si c'est du « Komcallé ». En général, les nouvelles variétés de niébé ont tendance à être rejetées, mais Boureima Kiéni qualifie « Komcallé » de « variété locale ».

« Il y a eu bien d'autres variétés de niébé comme Yisyandé, en mooré, vaincre la honte, Tiligré, en mooré, survivance qui n'ont pas eu de succès, mais Komcallé a été bien adoptée par nos producteurs », se réjouit le technicien d'agriculture. Le directeur régional de l'agriculture, des ressources animales et halieutiques du Centre-Nord, Ragnimsom Serge Igor Birba, salue le « travail remarquable » des chercheurs permettant de mettre au point des variétés de semences améliorées, en l'occurrence « Komcallé » qui s'adapte aux conditions du sol et du climat dans le Centre-Nord. Il renchérit que l'Etat et ses partenaires viennent beaucoup en aide aux populations avec la variété « Komcallé ».

Les qualités remarquables du « Komcallé »

A l'Institut de l'environnement et de recherches agricoles (INERA), les chercheurs confirment les qualités du « Komcallé ». L'ingénieur de recherches, membre de l'équipe de sélection et d'amélioration de niébé, à l'INERA, Léandre Saadon Poda, soutient que le niébé est une légumineuse beaucoup appréciée par les populations et est, d'ailleurs, appelée la

« viande du pauvre » car elle est très riche en protéines et accessible à moindre coût. Il rappelle que « Komcallé » a été vulgarisée au Burkina Faso, en 2012 et est aujourd'hui conçue par une équipe pluridisciplinaire pour lui permettre d'être non seulement résistante à d'éventuelles maladies et ravageurs, mais aussi précoce et productive en termes de rendement.

L'obtention de la variété

« Komcallé » a suivi un processus participatif incluant les producteurs eux-mêmes. Au final, elle a été développée pour répondre au désir et aux contraintes des producteurs. Dans la région du Centre-Nord, notamment à Kaya et à Boussouma, il y a une mauvaise herbe nommée Striga gesneriodes qui est une plante parasite se fixant aux racines du niébé pour tirer tous les éléments nutritifs destinés à la croissance et au développement du niébé.

Nous avons travaillé à mettre au point « Komcallé » qui est tolérante à cette mauvaise herbe qui réduit de façon considérable les rendements du niébé au Burkina Faso et en Afrique de l'Ouest », explique Léandre Saadon Poda. Depuis une dizaine d'années, insiste-t-il, au Burkina Faso, toutes les variétés de niébé développées doivent forcément inclure la résistance ou la tolérance au Striga qui est vraiment dévastatrice.

Le chercheur soutient qu'en plus de sa tolérance au Striga gesneriodes et de sa précocité (60 jours), la particularité de « Komcallé » réside dans la grosseur de ses graines mais aussi sa couleur blanche.

« Au-delà de ses nombreux attributs, elle est très productive avec un rendement de 1,8 t/ha en station de recherches si toutes les conditions sont réunies et d'environ 750 kg/ha en milieu paysan au grand bonheur des producteurs et des consommateurs », confirme le chercheur de l'INERA.

Boukary BONKOUNGOU

Une alternative à la sécurité alimentaire

Avec pour nom scientifique « Vigna unguiculata », le niébé est de la famille des Fabaceae et du genre Vigna, selon une fiche technique du Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF). C'est une légumineuse à graine, une importante denrée de base pour l'alimentation des ménages en Afrique subsaharienne, en particulier dans les régions de savanes arides de l'Afrique de l'Ouest. Il joue un rôle important dans la nutrition humaine, la sécurité alimentaire et la création de revenus pour les agriculteurs et les vendeurs de produits alimentaires de la région.

La graine est riche en protéines (≥ 25%), en glucides, en vitamines ainsi qu'en minéraux et complète le régime alimentaire principalement constitué de céréales dans les pays où le niébé est une culture vivrière majeure. Le niébé est un aliment très énergétique dont la consommation constitue une importante source d'éléments nutritifs : protéines, glucides, lipides et fibres, de vitamines (B1, B2, B6, B9, C), de minéraux (manganèse, potassium, cuivre, sodium, calcium, fer, phosphore, magnésium, zinc) et de pigments (niacine, acide pantothénique).

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