À l'occasion de la Journée mondiale de la paix, instaurée par l'Église catholique en 1967, l'évêque de Port-Louis, Jean Michaël Durhône, nous partage ses réflexions sur les enjeux de cette nouvelle année. Une opportunité de promouvoir la paix mondiale et de considérer les actions à entreprendre pour la renforcer.
Quels sont, selon vous, les principaux défis à surmonter pour instaurer la paix dans le monde aujourd'hui et quelles solutions envisagez-vous ?
Pour moi, l'élément déterminant pour instaurer la paix à travers le monde demeure la justice sociale. La justice sociale est fondée sur l'équité pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains, sans discrimination, de bénéficier du progrès économique et social partout dans le monde.
Promouvoir la justice sociale ne consiste pas simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. Promouvoir la justice sociale consiste à privilégier une économie intégrée qui permet aux habitants d'une région de participer au développement du pays. Il appartient à l'État d'un pays de créer les conditions nécessaires pour que la justice sociale soit indispensable à la paix. Par exemple, comment ceux qui ont la responsabilité de décision, aux niveaux politique et économique, travaillent pour la justice sociale en permettant une juste distribution des richesses de notre terre ?
Comment amener la paix dans un pays quand les habitants eux-mêmes ne peuvent pas exploiter des ressources naturelles comme le pétrole, l'or et le diamant ? Lorsque de grandes multinationales les exploitent au détriment de la population, ces populations s'appauvrissent, et cela peut être cause de frustration, de colère et même de violence. Qui dit justice sociale dit une mise en oeuvre de tous les moyens possibles pour lutter contre toutes les formes de pauvreté causées par la violence, la drogue, l'échec scolaire.
Quels conseils pratiques donneriez-vous aux jeunes pour qu'ils s'engagent activement en tant qu'artisans de paix dans leur communauté ?
Je tiens à saluer les jeunes qui nous ont donné un bel exemple de force citoyenne lors des élections de novembre. Ils ont exercé leur droit de vote pour choisir les représentants et les gestionnaires de leur avenir. Pour qu'ils puissent être plus tard acteurs dans des lieux de décision et devenir des leaders dans la société mauricienne, la formation est essentielle. Depuis trois ans, l'Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM) propose une formation intitulée Lidersip ek Politik : le leadership et le politique. Politique au masculin, c'est-à-dire la vie de la société, l'engagement citoyen, les droits de l'homme, etc. Un programme pour mieux vivre ensemble, au sein duquel il y a la politique, c'est à-dire encourager les Mauriciens à faire de la politique active, s'engager dans les partis, entre autres.
Grâce à cette expérience, l'Institut propose en parallèle cette année un autre parcours, cette fois-ci exclusivement pour les jeunes sur l'éveil de leur conscience citoyenne. C'est en prenant des responsabilités dans le concret de leur vie, par exemple, en prenant une part active dans les centres de jeunesse où ils apprennent à exercer leur responsabilité citoyenne, en organisant des journées récréatives et sportives, ou un don de sang dans les établissements scolaires, en s'engageant dans les Student Councils au collège, qu'ils se préparent à prendre des responsabilités au niveau national. Beaucoup d'hommes politiques ont d'ailleurs commencé comme syndicalistes, travailleurs sociaux.
En ce début d'année, quel message d'espérance et de paix souhaitez-vous adresser à la nation ?
De grands enjeux nous attendent tous cette année : redresser notre économie ; repenser la gouvernance de nos institutions ; revoir notre système d'éducation pour qu'il soit au service de l'épanouissement de l'enfant mauricien ; s'engager davantage dans la lutte contre la drogue ; se donner les moyens de combattre la violence qui gangrène les couples et les familles. Il est également essentiel de continuer à nous engager concrètement contre les actions communalistes. Ensemble, nous pouvons bâtir une nation forte, unie dans la diversité, fidèle à ses valeurs et à ses idéaux. Continuons à travailler pour une île Maurice qui incarne pleinement notre devise : «As one people, as one nation, in peace, justice and liberty.»
Quelles seront vos grandes priorités en cette année 2025 dans votre mission pastorale ?
Depuis fin 2023, j'ai confié au père Jean-Claude Véder et une équipe la responsabilité de mener une réflexion sur l'église à Maurice. Quelle Église voulons-nous pour répondre aux interrogations des hommes et des femmes de notre temps ?
Cette équipe m'a rendu son rapport en novembre avec des propositions pour que l'Église soit toujours fidèle à sa mission dans la société d'aujourd'hui. Ces propositions concernent des changements structurels mais touchent d'abord à notre attitude. Il s'agit, pour nous, évêque, prêtres, religieux(ses) et laïcs, de prendre de nouveaux chemins qui ne renient toutefois pas notre histoire. Toute mission demande un renouvellement de nos institutions, de nos pratiques, de nos attitudes pour toujours mieux servir les Mauriciens.
Une autre priorité du diocèse sera l'attention particulière à porter aux Églises dans nos îles, telle que l'Église à Agaléga. Nous avons, à cet effet, mis sur pied un comité de réflexion et de discernement pour adapter la mission à la réalité agaléenne.
L'éducation sera aussi un domaine où l'église s'engagera résolument. Des rencontres avec le ministre Mahend Gungapersad ont déjà eu lieu et nous avons échangé sur l'abolition de l'automatic promotion et la façon de diminuer les 30 % d'échecs à la fin du cycle primaire. Nous collaborerons pleinement pour promouvoir une éducation qui valorise pleinement l'enfant.
Le pape François a annoncé un jubilé à Rome en 2025 sur le thème Pèlerins de l'espérance. Le «jubilé» est le nom d'une année particulière. Cette tradition vieille de 700 ans se produit tous les 25 ans. Parmi les jubilés que le Vatican va célébrer, le diocèse de Port-Louis a choisi dix qui seront célébrés localement, de février à décembre. Ainsi, nous célèbrerons le jubilé des familles, des malades, des jeunes, des travailleurs, des artistes, des détenus, des pauvres, des victimes de violence, des personnes âgées, des migrants.
Le thème local du jubilé est Avec le Père Laval, soyons pèlerins d'espérance. Le choix de mettre le père Laval au coeur du jubilé à Maurice s'est naturellement imposé car le père Laval a été lui-même un pèlerin d'espérance qui a été présent dans tous les domaines qui seront célébrés. Choisir de se recentrer sur la figure du père Laval est aussi une manière de faire le lien avec le procès de canonisation qui sera mis en avant durant l'année 2025.