Alors que beaucoup s'apprêtent à célébrer la Saint-Sylvestre, la situation est tout autre pour les careworkers d'un foyer, situé à Pointe-aux-Sables. Ces employés, qui prennent soin de personnes âgées souffrant de handicaps sévères, ont sollicité l'aide de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP). Cette dernière a organisé une conférence de presse, hier, pour exposer leurs conditions de travail précaires.
«La situation est grave», a déclaré Jane Ragoo, secrétaire de la CTSP, en ouverture de son discours. Elle a expliqué le rôle crucial joué par ces travailleurs : nourrir, faire la toilette et passer du temps avec les résidents, le tout avec dévouement et amour. Pourtant, leur travail reste sous-évalué. Pendant la pandémie de Covid-19, ces employés ont parfois dû rester au foyer pendant 24 à 36 heures d'affilée en raison des restrictions sanitaires. C'est en 2022, face à des difficultés croissantes, qu'ils se sont syndiqués pour faire entendre leurs voix. Jane Ragoo a dénoncé les pratiques de la direction, notamment les changements de plannings hebdomadaires imposés sans tenir compte des obligations familiales des employés. «Ces travailleurs se dévouent corps et âme pour les résidents, mais aucune reconnaissance ne leur est accordée.» Elle a également souligné que la CTSP avait dû intervenir à plusieurs reprises auprès du ministre du Travail pour signaler ces problèmes. «Le roulement incessant des managers complique encore les choses. Chaque nouveau responsable met du temps à se familiariser avec les dossiers, ce qui retarde les décisions.»
Droits bafoués et absence de primes
Par ailleurs, une réunion prévue ce lundi avec le ministère du Travail et celui de la Sécurité sociale a été annulée sous prétexte que la CTSP n'aurait pas signé de Procedure Agreement. «Pourtant, nous avons obtenu la reconnaissance syndicale en 2022. Pourquoi exiger cette signature maintenant ?» s'est-elle interrogée. Jane Ragoo a aussi évoqué le non-paiement des primes de travail en soirée, prévues par la loi à hauteur de 15 %. «Cette disposition n'est pas respectée», a-t-elle déploré. Elle a pointé du doigt le gestionnaire du centre, tout en dénonçant les intimidations d'un syndicaliste impliqué dans l'administration du foyer.
Elle a appelé le ministère de la Sécurité sociale à intervenir pour améliorer les conditions de ces travailleurs. «Ils exercent leur métier avec le coeur, mais cela ne suffit pas à leur assurer des conditions dignes.» Le président de la CTSP, Reeaz Chuttoo, a renchéri : «Ces employés ne reçoivent pas les salaires prévus par les recommandations légales, ce qui impacte également leur 13e mois. Nous espérons qu'ils seront bientôt enregistrés sous le Pay Research Bureau.» Pour ces travailleurs, l'année 2025 s'annonce semée d'embûches.
Nous avons tenté d'avoir une réaction des responsables du foyer, mais nos appels sont restés sans réponse.
Suspension du recrutement de travailleurs bangladais : Une lettre qui fait polémique
La publication d'une lettre émanant du secrétariat au Cabinet et adressée au secrétaire permanent du ministère du Travail a suscité les vives réactions des syndicats. Ce courrier, signé par la secrétaire au Cabinet et responsable de la Fonction publique pointe le nombre alarmant de travailleurs bangladais ayant quitté leur dortoir sans autorisation (1 730 sur 1 979). Elle souligne également le coût élevé soutenu par l'État pour mobiliser les ressources du Passport and Immigration Office en vue de les retrouver. Par conséquent, le recrutement de travailleurs bangladais est suspendu jusqu'à ce que ces disparus soient localisés. En attendant, le gouvernement envisage de recruter des travailleurs étrangers originaires de pays avec lesquels Maurice dispose d'accords bilatéraux.
Cette décision a provoqué une onde de choc dans les rangs syndicaux. Fayzal Ally Beegun, figure syndicaliste, a exprimé son incompréhension : «Les Mauriciens apprécient de manger du pain chaud, même les jours fériés, mais ils oublient que ce sont majoritairement les travailleurs étrangers, notamment bangladais, qui permettent cela.» L'indignation est montée d'un cran après la diffusion d'une vidéo sur les réseaux sociaux, dans laquelle un groupe socioculturel appelle à la déportation des travailleurs bangladais en situation irrégulière. Ce même groupe affirme avoir formé un «squad» capable de localiser ces travailleurs. «J'ai été choqué d'entendre de tels propos», s'est insurgé Fayzal Ally Beegun.
Il a également dénoncé les accusations de mariages arrangés entre Bangladais et Mauriciens. «Cela existe aussi à l'étranger : des étudiants mauriciens se marient parfois dans des pays comme la France, La Réunion ou le Canada pour y rester. Pourtant, personne ne s'en indigne.» Le syndicaliste a appelé à une vision plus nuancée : «Il ne faut pas stigmatiser ces travailleurs, qui contribuent activement à l'économie mauricienne.» Il a annoncé son intention d'alerter des organisations internationales, notamment l'Organisation internationale du travail et Amnesty International, ainsi que les donneurs d'ordre des secteurs textile et agroalimentaire à Maurice. «Ils doivent être informés de ce qui se passe dans le pays.» Fayzal Ally Beegun espère que le ministre du Travail, Reza Uteem, se saisira rapidement de ce dossier une fois les fêtes terminées.