Mali: Le président de transition Assimi Goïta n'évoque pas les élections dans ses voeux, réactions

Président de la transition au Mali, le Colonel Assimi Goïta

Dans son adresse à la nation, mardi 31 décembre au soir, le général Assimi Goïta a annoncé que 2025 serait « l'année de la culture ». Le président malien de transition s'est également félicité de l'action de l'armée nationale au cours de l'année écoulée. Il n'a en revanche pas mentionné, pas même évoqué, la question de possibles élections. Acteurs politiques, observateurs, simples citoyens, nombreux étaient ceux qui guettaient pourtant une éventuelle annonce sur le sujet, quatre ans et demi après le coup d'État militaire d'août 2020. Réactions politiques du président de l'ADEPM Aboubacar Sidick Fomba (soutien des autorités de transition), de l'ancien Premier ministre Moussa Mara (Yelema, opposition), et analyse du politologue malien Oumar Berté.

· « L'élection n'est la priorité ni des Maliens ni des autorités aujourd'hui »

Aboubacar Sidick Fomba est président du parti ADEPM (Alliance démocratique du peuple malien), membre du Conseil national de transition (CNT) et fervent soutien des autorités militaires en place. Il juge tout à fait justifié que le général Assimi Goïta n'ait pas abordé la question des élections.

La priorité des Maliens aujourd'hui n'est pas l'organisation d'élections dans un État déstructuré, en guerre de survie, et qui est surtout menacé par le collectif occidental. Nous, nous sommes plutôt pour la reconstruction de notre pays, le recouvrement de l'intégrité [du territoire, NDLR] et l'adaptation du système de défense par rapport aux menaces que l'espace AES vit. L'élection n'est ni une priorité du peuple malien, ni une priorité des autorités du Mali aujourd'hui. Je retiens trois choses du discours du président, du général d'armées Assimi Goïta. Un, un nouveau Malien à travers le programme national d'éducation aux valeurs sociétales. Deuxièmement, le président Assimi Goïta a annoncé une émergence économique de notre pays pour permettre au peuple malien d'avoir des denrées alimentaires à des prix maîtrisés, et d'amorcer un développement économique basé sur nos ressources minières. Troisièmement, l'avancée de l'opérationnalisation des forces de sécurité du Mali pour reconquérir l'ensemble du territoire. Aboubacar Sidick Fomba, président du parti ADEPM

« La Transition est essoufflée, les Maliens attendent des élections »

Réaction bien moins enthousiaste du côté de l'ancien Premier ministre Moussa Mara, dont le parti Yelema demande l'organisation d'élections pour le retour à l'ordre constitutionnel, et qui ne cache pas sa déception après les voeux du général Assimi Goïta.

Il est clair que nous nous attendions tous à ce qu'il ouvre des perspectives claires par rapport à la question des élections, d'autant plus que le gouvernement lui-même a inscrit dans le budget de l'année 2025 les ressources pour pouvoir faire face aux élections. Mais c'est le discours présidentiel qui donne le la pour l'année 2025, et le fait que rien n'ait été dit sur le sujet laisse pour le moins perplexe parce qu'aujourd'hui, il est évident que l'écrasante majorité des Maliens attend la fin de la Transition et des élections, pour le retour à l'ordre constitutionnel de notre pays. En tant qu'acteur politique, c'est une déception, parce qu'aujourd'hui la Transition est essoufflée. Les conditions de vie des Maliens se détériorent de manière accélérée. Nous manquons d'électricité, et l'électricité est indispensable pour tout, même pour la promotion de la culture qu'il [Assimi Goïta, NDLR] entend lancer en 2025 : sans électricité, ce sera très difficile. Et sur cette question non plus nous n'avons eu aucune perspective [dans le discours présidentiel, NDLR]. La solution idéale à tout ça, c'est que nous ayons des élections pour mettre un terme à cette parenthèse et que le pays reparte de nouveau. Moussa Mara, ancien Premier ministre

« Nous sommes loin de la réconciliation, l'organisation d'élections sera complexe »

Oumar Berté est avocat et politologue malien à l'Université de Rouen. Il constate que la réconciliation des autorités militaires putschistes et de la classe politique malienne est loin d'être acquise. En témoigne encore la condamnation lundi à deux ans de prison, dont un ferme, d'Issa Kaou N'Djim, figure de la vie politique et médiatique dans le pays. L'opposition malienne continue d'ailleurs d'exiger la libération de nombreux autres « prisonniers d'opinion ». Pour Oumar Berté, ce contexte de tension complique toute perspective électorale.

Nous sommes dans le même dynamique depuis un certain moment dans ce pays : toutes les voix dissonantes sont réduites à de l'emprisonnement ou à des intimidations. L'ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga, qui a été commis pour la rédaction d'une charte de la paix, a obtenu récemment la libération de onze cadres politiques détenus, mais si au même moment la Justice continue de condamner des personnes à de lourdes peines pour de simples délits d'opinion, ça pose un problème sur la liberté d'opinion dans ce pays, et sur la réconciliation qu'ils [les autorités maliennes de transition, NDLR] entendent prôner avec la classe politique et toutes les composantes de la société. Oumar Berté, avocat et politologue malien à l'Université de Rouen

Cette décrispation, cet apaisement que les autorités maliennes de transition présentent comme un objectif dans la perspective d'élections, semble finalement très éloignée. « On en est clairement très loin », abonde le chercheur. « Si on condamne des acteurs politiques - il faut aussi rappeler qu'un chef de parti a été enlevé ce week-end -, ça pose un problème sur la confiance que les politiques peuvent avoir envers les tenants du pouvoir, pour travailler ensemble. Donc, nous sommes clairement dans une situation qui risque de rendre très complexe l'organisation des élections. »

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