La parenthèse «Noël-Nouvel An» ne date finalement que d'hier et de la semaine dernière. Mais, en gesticulations de toutes sortes, spectacles de lumières par-ci, retrouvailles familiales par-là, fêtes collectives pour conjurer la solitude par ailleurs, elle aura mobilisé -et épuisé - les énergies des huit dernières semaines.
Une fois les fêtes passées, on a le droit de reprendre le cours normal d'une existence humaine experte à s'inventer temporalité, calendrier et agenda. L'attitude clé de cette dernière semaine aura été une posture-concept en vogue : «laisser aller». Il fallait jouer le jeu, et s'abandonner à cette frénésie collective, obole consentie, avec les réserves convenues, à l'appartenance de groupe.
De bonne guerre, également, ce scepticisme-là de bon aloi. Se prouver qu'on n'est pas dupe. Que, «jouer le jeu» relevait d'une démarche de charité, l'immense privilège accordé aux autres qu'est la mise à disposition de notre indispensable présence. C'est oublier, tromperie infligée à ego, que la charité bien ordonnée commence d'abord par soi-même et qu'on aurait été anéanti d'avoir donné sans recevoir. Un écot à l'amour, l'amitié, la fraternité, tous ces grands mots qui peuvent parfois faire peur.
Cette dernière semaine, il s'agissait de conjurer l'indifférence qui menace tout le monde, et d'abord les malades qui s'ignorent, inconscients de leur addiction à la sociabilité. «Je ne suis jamais seul avec ma solitude», chantait Georges Moustaki qui fait rimer solitude et habitude, «autre courtisane» avec «dernière compagne».
Voilà refait le plein des batteries émotionnelles. En énergie fragile, voire précaire, mais éminemment renouvelable. Avec une autonomie supposée d'une année calendaire.