Au Nouvel An, chaque pays à ses traditions et certaines portent sur l'argent. Exemple avec la Côte d'Ivoire, à Abidjan, où des enfants reçoivent quelques billets en distribuant des « bonne année », tandis qu'à Madagascar, des jeunes vont à la rencontre d'aînés, pour leur remettre la plupart du temps des étrennes durant un moment de communion. Reportages.
À Madagascar, le premier jour de 2025 a marqué le retour des étrennes appelées « Solombodiakoho ». Pendant les premiers mois de l'année, il est de coutume que les jeunes rendent visite à leurs aînés pour leur adresser leurs voeux et pour leur offrir un cadeau.
Témoigner du respect aux aînés, c'est en effet le sens du « Solombodiakoho ». Une tradition malgache très ancienne que Henintsoa, 30 ans, tient à perpétuer en rendant visite à l'un de ses oncles. « On vient visiter les parents ou les ascendants pour leur offrir ce qu'on a de meilleur, souligne-t-il. À la base, c'est le meilleur de la production, que ce soit le bétail ou les produits du poulailler. Plus tard, ça été remplacé par de l'argent. Tout ça, ce n'est que la forme. Le fond, c'est vraiment d'honorer les parents, vraiment de montrer le respect envers les plus âgés. Ça nous tient à coeur en tant que Malgaches, parce que ça fait partie de notre culture ».
« Lors de cette visite, on peut régler les mésententes »
En échange de leurs voeux, les aînés demandent à Dieu ou aux ancêtres qu'ils accordent leurs bénédictions aux plus jeunes. C'est aussi l'occasion de transmettre l'histoire de la famille et d'apaiser les tensions.
Rakoto, 70 ans, l'oncle d'Henintsoa, accorde une grande importance à ce partage entre générations : « Lors de cette visite, on peut régler les mésententes quel que soit leur degré. Mais ça traduit aussi les liens familiaux. Les Malgaches pensent qu'on est toujours liés : les parents, les grands-parents et même les aïeuls. En fait, cela traduit bien cette unité. »
En plus d'entretenir la paix dans les familles, la tradition du Solombodiakoho doit favoriser la cohésion de toute la société.
1er janvier à Madagascar: avec le Solombodiakoho, un moment de communion familial entre jeunes et aînés
Guilhem Fabry Mercredi 1er janvier 2025, les rues d'Abidjan, capitale de la Côte d'Ivoire, ont, elles, vibré d'une effervescence particulière, avec une tradition bien ancrée et très différente de celle à Madagascar : des groupes d'enfants, vêtus de leurs habits de fête et sourires aux lèvres, parcourent les quartiers pour souhaiter une bonne année à des proches, des voisins, ou même des inconnus croisés en chemin.
En échange de leurs voeux, ils espèrent recevoir quelques pièces ou billets, une pratique qui illumine leur journée, à l'instar de celle de celui-ci : « Quand je souhaite la bonne année, on me donne de l'argent. Il y a des fois, je gagne 2 000 ou bien 4 000 (francs CFA). »
Dans un supermarché du quartier chic de Cocody, cette tradition prend une autre dimension. Les enfants, souvent en petits groupes, investissent les lieux pour dépenser leur butin. « Je suis venu avec mes camarades, explique l'un d'entre eux. Ça nous fait plaisir. On a acheté des spaghettis, de la tomate et du lait ».
« Ces enfants doivent être encadrés »
Pour certains adultes, cette coutume, appelée « Bonne année, l'argent », incarne un héritage culturel à préserver. Mais elle nécessite un encadrement strict. « Il y a beaucoup de dangers en allant vers des inconnus, souligne l'un d'entre eux. Ces enfants-là doivent être encadrés, contrôlés, en leur interdisant d'aller vers des inconnus. Sinon, l'objectif reste bon ».
Toutefois, pour le sociologue Dr Roland Bini, la symbolique de cette tradition semble s'être diluée au fil des années : « Aujourd'hui, cette pratique est devenue un moyen de gagner de l'argent. Quand vous prenez les enfants qui se promènent dans la rue toute la journée pour en récolter, très souvent, ils font le point avec leurs parents. »
Une pratique qui perpétue la joie des fêtes, mais qui n'est pas sans risque : certains enfants, s'éloignant trop de leurs quartiers, finissent parfois par s'égarer.
1er janvier en Côte d'Ivoire: à Abidjan, des enfants et la tradition du «Bonne année, l'argent»