L'année 2024 a été marquée par des bouleversements majeurs pour l'économie sénégalaise, oscillant entre espoir et polémique. Les révélations du Premier ministre Ousmane Sonko, qui a vigoureusement contesté les données officielles des finances publiques fournies par le régime sortant, ont suscité un débat intense sur la crédibilité de la signature du Sénégal. Cette controverse s'est ajoutée à d'autres événements saillants : le retrait du Sénégal de la liste grise du GAFI, la production du premier baril de pétrole offshore du champ Sangomar, l'absence d'un débat d'orientation budgétaire pour 2025 et l'adoption du budget 2025 sans débat parlementaire. Sud Quotidien revisite ces faits marquants de l'économie sénégalaise.
En 2024, la transparence des finances publiques sénégalaises a été au centre des débats. Le rapport de l'Inspection Générale des Finances (IGF) a mis en lumière des irrégularités dans les données budgétaires présentées par le régime de Macky Sall. Le 26 septembre 2024, au Building administratif Mamadou Dia, le Premier ministre Ousmane Sonko, entouré de plusieurs membres de son gouvernement, a rendu public le rapport de l'IGF. Cet exercice de transparence a révélé une sous-estimation de la dette publique et des déficits budgétaires pour la période 2019-2023.
Le rapport a notamment montré que le déficit budgétaire réel, estimé en moyenne à 10,1 %, était presque le double des 5,5 % annoncés par l'ancien régime. De même, la dette publique, présentée comme atteignant 65,9 % du PIB, se situait en réalité à 76,3 %. À la fin de 2023, la dette centrale hors secteur parapublic atteignait 15 664 milliards de FCFA (83,7 % du PIB), alors que les autorités sortantes l'avaient déclarée à 13 772 milliards (73,6 % du PIB). Cette différence de près de 1 892 milliards FCFA, soit 10 % du PIB, découlerait de tirages non publiés sur des prêts extérieurs et de financements contractés auprès des banques locales de manière opaque. Reste à savoir si la cour des comptes va confirmer ce carnage financier supposé.
Toujours en 2023, le déficit budgétaire corrigé avoisinait 10 % du PIB, alors que le régime sortant annonçait un déficit de 4,9 %. Ces écarts ont conduit à une intervention du FMI, qui a salué l'effort de transparence des nouvelles autorités tout en attendant les conclusions du rapport de la Cour des comptes.
Intervention du FMI et tensions politiques
Suite aux révélations du Premier ministre, le FMI a dépêché une mission à Dakar pour évaluer la situation. Bien que le Fonds ait salué la démarche des nouvelles autorités, il a appelé à renforcer les mécanismes de transparence. Lors de sa conférence de presse, Ousmane Sonko a accusé l'ancien président Macky Sall et certains de ses collaborateurs de mauvaise gestion et de détournement de fonds publics.
Ces accusations ont amplifié les tensions politiques, avec l'annulation du débat d'orientation budgétaire prévu pour le 29 juin 2024 et la dissolution de la 14e législature en septembre 2024. Le projet de loi de finances 2025 a finalement été adopté sans débat, suscitant une vive protestation de certains députés.
Le Sénégal sort de la liste grise du GAFI
Malgré ces polémiques, l'année 2024 a aussi été marquée par des avancées. Le retrait du Sénégal de la liste grise du Groupe d'Action Financière (GAFI) représente un succès majeur dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cette victoire renforce la crédibilité internationale du pays et son attractivité pour les investisseurs étrangers.
L'économie sénégalaise se redresse au troisième trimestre
Au troisième trimestre 2024, l'économie sénégalaise a enregistré une amélioration notable, avec une croissance de 3,8 % par rapport au trimestre précédent. Ce redressement s'explique par une maîtrise de l'inflation (-2,8 %) et une légère dépréciation du franc CFA (-1,0 %) par rapport aux devises des principaux partenaires commerciaux.
Cependant, sur les neuf premiers mois de l'année, le Sénégal a subi une perte de compétitivité-prix de 1,6 %, en grande partie due à l'appréciation du franc CFA (+7,5 %).
Le Sénégal devient pays producteur de pétrole
Le 11 juin 2024, Woodside Energy a annoncé la production du premier baril de pétrole du champ Sangomar, marquant l'entrée du Sénégal dans le cercle des pays producteurs de pétrole. Ce développement ouvre la voie à des revenus significatifs dès 2025, notamment grâce aux projets pétroliers et gaziers en cours, tels que Grand Tortue Ahmeyim (GTA).
Une croissance inégalement répartie
En dépit d'une croissance économique estimée à 5,3 % en 2024, les inégalités sociales restent un défi majeur. Les bénéfices de cette croissance ne se reflètent pas encore dans le quotidien d'une grande partie de la population.
Une perspective pour 2025
Pour l'année à venir, les priorités incluent une gestion rigoureuse des revenus issus des hydrocarbures, une transparence accrue des finances publiques et une accélération des réformes structurelles. Si ces objectifs sont atteints, le Sénégal pourrait renforcer son rôle en tant que modèle de développement économique en Afrique de l'Ouest.