En ce début d'année 2025, les appels à cesser les combats au Soudan se multiplient. Chefs d'État, ONU, ONG : tous réclament aux deux belligérants, le chef de l'armée régulière le général al-Burhan, et le chef des paramilitaires le général Hamdane Dogolo dit Hemedti, de déposer les armes et de dialoguer. Or, le pays entre dans son 21e mois de guerre et, selon l'ONU, il s'agit de la pire crise humanitaire au monde.
Plus de 20 mois de guerre et deux belligérants qui campent sur leur position au Soudan : prendre le dessus militairement. À l'occasion du 69e anniversaire de l'indépendance du Soudan, le 1er janvier 2025, le général al-Burhan, chef de l'armée et président du Conseil souverain, a de nouveau exclu toute cohabitation avec son rival, le général Hemedti, chef des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). « Nous ne pouvons pas accepter la présence de ces tueurs et criminels [les FSR, NDLR] et leur soutien, parmi nous », a-t-il réitéré lors de son adresse télévisée.
Sur le terrain, le pays reste divisé en deux, avec les FSR qui contrôlent tout l'ouest du pays, les différentes provinces du Darfour, les États du sud. L'armée, elle, contrôle l'est du pays, les États du Nil Blanc et du Nil Bleu, de Sennar, de Gedaref, de Kassala.
Aujourd'hui, le plus gros des combats se concentre sur trois zones. Il y a la capitale, Khartoum, qui est toujours divisée en deux mais où l'armée a repris du terrain ces derniers mois, notamment à Omdurman, ville jumelle de Khartoum, ainsi que dans l'immense quartier de Bahri au nord du centre-ville. Des combats également au sud de Khartoum, dans les États de Sennar, d'al-Jazirah, qui sont les greniers à blé du pays et où les FSR sont accusés d'avoir détruits des dizaines de villages ces derniers mois.
Et, enfin, à el-Fasher, capitale du Darfour Nord, à la frontière avec le Tchad. Dernière grande ville du Darfour à être encore aux mains de l'armée, el-Fasher est assiégée par les paramilitaires depuis 8 mois et connait probablement les combats les plus féroces de cette guerre. C'est dans cette région que l'ONU a officiellement déclaré il y a quelques mois un début de famine.
Une insécurité alimentaire dramatique
L'ONU a qualifié le Soudan de pire crise humanitaire au monde. Fin décembre, l'agence onusienne le Haut-commissariat aux réfugiés (UNHCR) recensait plus de 8,7 millions de Soudanais déplacés dans le pays. À ce chiffre s'ajoute 3,2 millions de réfugiés qui ont quitté le pays et se trouvent dans les pays voisins : 1,2 million en Égypte, 900 000 au Soudan du Sud, 720 000 au Tchad ; plus la Libye, l'Ouganda, l'Éthiopie, la Centrafrique.
À ces déplacements massifs de population s'ajoute la famine. Officiellement déclarée il y a quelques mois dans le camp de réfugiés de Zamzam, au Darfour Nord, elle s'est étendue à cinq régions supplémentaires : trois camps de réfugiés du Darfour Nord, la région des Monts Nuba, et le sud du pays. Et elle menacerait plus de 630 000 personnes, selon un rapport de l'IPC, un système de classification de la sécurité alimentaire utilisé par l'ONU.
Une aide humanitaire qui n'arrive pas
Le 15 avril 2024, un an tout juste après le début de la guerre, la France organisait à Paris une conférence des pays donateurs qui a permis de lever 2 milliards d'euros pour le Soudan. Et pourtant, sur le terrain, cette aide n'arrive qu'au compte-goutte. Les financements ne sont pas suffisants, expliquent certains : on est loin des 3,8 milliards demandés par les Nations unies.
Et pour acheminer l'aide, il faut un cessez-le-feu, que les frontières soient ouvertes, et pouvoir acheminer cette aide, font remarquer les acteurs humanitaires. Pour atteindre le camp de réfugiés de Zamzam au Darfour Nord, les camions d'aide doivent par exemple partir d'Adré à la frontière tchadienne, traverser des zones contrôlées par les belligérants.
« Nous partons d'Adré, et nous allons à el-Geneina, Zalindi, Fangasuk, Tawila, avant d'arriver à Zamzam. Ce sont des centaines de kilomètres, des douzaines de check-points et, à chaque fois, il faut discuter, sécuriser le passage. Tous les camions doivent rester ensemble. Donc, si l'un tombe en panne, tout le monde doit attendre », expliquait il y a quelques semaines, Faith Kasina, porte-parole de l'UNHCR au Soudan. Ces camions peuvent prendre jusqu'à 2 à 3 semaines pour effectuer les quelques 700 kilomètres pour atteindre le camp de Zamzam.
Face à l'ampleur de la crise soudanaise, les appels à cesser les combats se multiplient en ce début d'année 2025. « Il ne peut y avoir de solution militaire à ce conflit », a réitéré cette semaine, Ramtane Lamamra, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Soudan.