Congo-Kinshasa: Prise de la ville de Masisi par les rebelles du M23 - Félix Tshisekedi doit-il descendre de son piédestal ?

Carte des quelques localités du territoire de Masisi, au Nord-Kivu.

Les rebelles du M23 ont frappé un grand coup, samedi dernier, en s'emparant de la ville de Masisi située dans la région tourmentée du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC).

Le M23, qui est le dernier avatar des groupes armés qui défendent la cause des Tutsis du Congo avec le soutien manifeste du Rwanda, a réussi, après des combats acharnés, à déloger les forces armées congolaises et leurs supplétifs, de cette bourgade qui tient lieu de chef-lieu du territoire éponyme, et viserait désormais la capitale provinciale, Goma, située à une centaine de kilomètres.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un cinglant revers pour la RDC qui voit des localités immensément riches de son « Extrême-Orient », tomber les unes après les autres, malgré la présence d'un ensemble hétéroclite de « patriotes » armés appuyant l'armée dans sa lutte pour le rétablissement de la souveraineté de leur pays mise à mal par l'ennemi rwandais et ses laquais locaux.

Des figures emblématiques commencent à manifester leur exaspération face à l'incapacité du régime à enrayer la menace

Le président Paul Kagamé a, sans doute, aujourd'hui, le sourire aux lèvres, après cette victoire inédite de son allié sur ses ennemis potentiels, qui pourrait aboutir, si la dynamique actuelle se poursuit, au démantèlement des fameux FDLR qui sont un conglomérat de Rwandais d'origine qui opèrent depuis l'Est de la RDC et qui ont pour agenda de fondre un jour sur Kigali située à moins de deux cents kilomètres pour en déloger le longiligne président tutsi du Rwanda.

En revanche, c'est la soupe à la grimace chez le Congolais Félix Tshisekedi qui doit être en train d'avaler sa deuxième couleuvre, en l'espace de deux semaines, après son humiliant déplacement à Luanda en Angola pour pas grand-chose, le 15 décembre dernier ; son homologue rwandais ayant snobé la rencontre qui devait aboutir à un accord de paix entre leurs pays respectifs. On s'attendait, depuis cette occasion ratée, à une recrudescence des attaques du mouvement rebelle M23, en guise de punition infligée au président de la RDC, après son refus de dialoguer directement avec la milice conformément au voeu de Kigali.

Ce qui devait arriver est donc arrivé le 4 janvier, et l'appétit venant en mangeant, comme on le dit trivialement, il n'est pas exclu que d'autres villes du Nord ou du Sud-Kivu soient conquises par les rebelles, après de possibles débandades de cette armée congolaise de pillards et de fuyards, qui est plus encline à réprimer et à massacrer les civils désarmés qu'à défendre ses positions, selon des rapports très documentés des associations de défense des droits de l'Homme et de la mission onusienne présente dans le pays.

Face à ce risque réel d'effet domino et d'effondrement de toute cette région stratégique de l'Est, on pourrait se poser la question suivante : pourquoi le président Félix Tshisekedi ne descendrait-il pas de son piédestal en cédant à l'exigence du Rwanda et en prenant donc langue avec le M23, d'autant que le refus de ce dialogue semble être le principal facteur explicatif de la résurgence des attaques ces derniers jours ?

Espérons que Félix Tshisekedi fera preuve de lucidité et de réalisme politique

S'il faut ravaler sa fierté pour sauver des vies et obtenir une paix définitive dans cette partie jusqu'ici ingérable du Congo, pourquoi pas ? Il a, en tout cas, intérêt à y réfléchir avant que la situation ne dérape et échappe à son contrôle, surtout que sur le plan politique, des figures emblématiques commencent à manifester leur exaspération et à ruer dans les brancards, face à l'incapacité du régime à enrayer la menace, et surtout, aux velléités du président de modifier la Constitution pour s'octroyer un troisième mandat que lui interdit la loi fondamentale. Son prédécesseur, Joseph Kabila, est sorti de son hibernation vendredi dernier à l'occasion de la célébration de la Journée des martyrs pour tirer à boulets rouges sur son successeur au Palais de Marbre, en menaçant de redescendre dans l'arène politique pour aider à relever les défis du pays.

Des acteurs de la société civile et certains militaires feraient, eux aussi, grise mine en raison de la gouvernance approximative du parti au pouvoir, et des récentes condamnations à la peine capitale, de plus de 130 soldats pour « trahison », « fuite devant l'ennemi », « violation des consignes » et « dissipation de munitions », alors qu'ils étaient en opération dans cette région volcanique, au propre comme au figuré, du Kivu. Malgré son physique éléphantesque, il serait étonnant que Félix Tshisekedi puisse supporter à terme toutes ces charges, dans un pays habitué aux retournements de situations les plus spectaculaires.

Espérons qu'il fera preuve de lucidité et de réalisme politique pour ne pas engager la RDC dans une impasse face à laquelle aucune solution durable ne pourrait être concoctable. Ce serait, le cas échéant, faire le jeu des ennemis de ce pays grand comme huit fois et demie le Burkina, vachement riche en ressources naturelles, mais étonnamment instable depuis une trentaine d'années, malgré la présence sur son sol de l'une des plus importantes opérations onusiennes de maintien de la paix, en termes de personnels.

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